Amazon, Toufik, et la chèvre

Amazon a lancé cette année une campagne de communication mettant en lumière un de leurs salariés en France, Toufik. Le but : montrer que le géant du commerce en ligne américain se soucie du développement durable. Quitte à éviter les questions de fond…

Capture d’écran YouTube de la vidéo « Amazon – Toufik Responsable développement durable « on utilise même des chèvres… » (source ici).

L’histoire est belle : Toufik a la fibre écologique depuis qu’il a fait de la plongée dans le Var. « J’ai eu un vrai déclic« , confie dans la vidéo le Responsable du développement durable d’Amazon. Depuis, il a décidé de devenir « un vrai acteur du changement » (y aurait-il des faux acteurs ?) : lui et ses équipes ont réussi à doubler le taux de déchets recyclés entre novembre 2019 et novembre 2020 sur le site d’Orléans (d’après la vidéo Amazon ici).

Mais comment diable y parvenir ? Toufik cite une « intransigeance sur tous les détails, par exemple en séparant le carton des rouleaux de papier« , « en compressant les cartons » ou encore « en compostant nos déchets alimentaires« , images indiscutables à l’appui. Indiquant en prime : « On utilise même des chèvres pour faire de l’éco-pâturage » !

La page dédiée à cette campagne sur le site d’Amazon donne d’autres détails sur la stratégie globale de l’entreprise en matière de développement durable. Un message beau, responsable et écolo-friendly comme seuls les créatifs des agences de pubs savent en faire !

Mais la vraie question est ailleurs, et Amazon n’y répond pas plus que n’importe quelle entreprise « investie » et « responsable ».

A-t-on vraiment besoin de tout cela ?

Le quidam moyen est consumériste, il le sait s’il manifeste un tant soit peu de lucidité. En fait, toute la société occidentale l’est. On peut être partie prenante d’un phénomène sans l’ignorer pour autant. Ce phénomène, c’est l’ultraconsumérisme ! A-t-on vraiment besoin d’un nouveau téléphone tous les ans ? Acheter des produits de piètre qualité pour les remplacer quelques mois après est-il du développement durable ? Si l’on se fie aux nombreux rapports alarmistes du GIEC (repris par toute une cohorte de médias), la réponse est : non.

Le mode de vie occidental semble en inadéquation totale avec les capacités et ressources de la planète. Comme bon nombre d’autres entreprises se félicitant de préserver l’environnement avec des actions de « développement durable », Amazon ne voit pas -ou refuse de voir, selon la confiance que vous accordez à cette entreprise- que le problème réside fondamentalement dans la fabrication et la distribution de biens dont la plupart sont superflus.

« Une société qui survit en créant des besoins artificiels pour produire efficacement des biens de consommation inutiles ne paraît pas susceptible de répondre à long terme aux défis proposés par la dégradation de notre environnement« . Il y a 20 ans, Pierre Joliot-Curie percevait déjà cet état de fait dans son livre « La recherche passionnément ».

Dormez, braves gens…

En fait, ces « actions en faveur de l’environnement » ressemblent à des cataplasmes sur une jambe de bois. C’est tout un mode de vie qu’il faudrait revoir, et nous nous refusons à le faire par confort et conformisme. L’objectif final de n’importe quelle campagne d’entreprise en matière de développement durable est commercial : il faut montrer patte blanche aux clients qui pourraient sans cela ne plus acheter des produits par souci écologique. En recevant ces messages, lesdits clients se flattent alors d’être « éco-responsables » et évitent l’inconfort d’être placés dans la position du complice de génocide écologique.

Dans un sondage OpinionWay pour « Les Échos » et BNP Paribas réalisé en 2019, 53 % des Français se disaient prêts à « payer plus cher pour des produits issus d’une entreprise engagée ». Pourtant, ils étaient 60 % à acheter des marques qui ne sont pas particulièrement engagées et 64 % se disaient dubitatifs quant à l’impact réel de cet engagement sur l’environnement ou la justice sociale.

Ce mélange de bonne volonté naïve et de cynisme mercantile et consumériste a infusé dans la société occidentale et dans la culture d’entreprise, au point que salariés et clients finissent par croire qu’ils vont sauver la planète en consommant mieux -alors que ce sont les quantités et le type de produits consommés qui posent réellement problème.