Le magazine veut à tout prix faire coller le réel avec sa vision idéologisée du monde
La présidentielle 2022 était notamment au programme de l’émission de TMC ce lundi 22 novembre. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que le roi du PAF Barthès 1er et son équipe de choc nous ont (encore) offert un grand cru !

Il ne fait pas bon être un neurone dans le cerveau de certains esprits. Perdu, il n’ose prendre le moindre risque. Le réel ? Trop dur ! Alors, le neurone traîne ses dendrites vers l’immense zone dédiée à l’idéologie. Là, au moins, c’est confortable : on évite la dissonance cognitive, et le coeur s’orne d’une angélique vertu. La zapette à la main, on peut alors prendre sa dose quotidienne de montages douteux, de moraline et de biais cognitifs.
Les migrants sont « instrumentalisés » tout le temps…
Cette semaine, Quotidien a donc frappé fort avec sa pastille chronique « Zoom 2022« , consacrée à « l’instrumentalisation des migrants » dans le cadre de l’élection présidentielle. Notre petit doigt nous dit déjà que c’est mal de parler d’immigration dans un débat présidentiel. Après tout, les sondages montrent que les Français adorent la façon dont celle-ci est menée depuis des années (exemple ici).
Sur le plateau, une journaliste nous explique qu’elle a « remarqué un truc » (sic) dans les trois débats des candidats à la primaire Les Républicains. Un habile montage nous explique qu’il s’agit de l’expression « Chez nous » (et de sa variante « chez eux« ), appliquée aux migrants et/ou aux Français.
Du coup, la journaliste qualifie LR de « droite dite républicaine » : une excommunication rondement menée ! Pour enfoncer le clou, elle nous sort un joli sophisme par association : « Ce vocabulaire nationaliste […], on avait plutôt l’habitude de l’entendre dans les meetings de Marine Le Pen » (images de militants RN scandant « On est chez nous ! » à l’appui). Et de nous montrer un sourire de la candidate RN à la présidentielle, ravie (toujours d’après l’observatrice journaliste) de tant de nationalisme agressif.
C’est simple : le nationalisme, c’est mal ; le Rassemblement national, aussi, parce que c’est du nationalisme. D’ailleurs, le mot « national » n’était-il pas utilisé par les nazis du NSDAP ? Donc si LR dit les deux mêmes mots que le RN, ils sont comme eux et ce ne sont certes pas des républicains. Toujours pas convaincu par cette implacable démonstration ?
… sauf dans les tournois de golf !
Ça tombe bien, la journaliste en a sous le capot ! Elle nous explique que le nationalisme rétrograde ne vise « pas n’importe quels étrangers non plus« . Comment ça ? On se gratte le menton, on s’interroge.
La Ryder’s Cup, pardi ! La persévérante enquêtrice nous montre qu’en 2018, Valérie Pécresse était beaucoup plus enthousiaste pour accueillir les « étrangers » (on est passé de « migrant » à « étranger » sans broncher, comme si ces deux mots désignaient la même réalité) à l’occasion de ce tournoi de golf européen et américain. Les images sont accablantes : la candidate aux primaires LR témoigne de son amitié aux États-Unis, leur disant même « Vous êtes chez vous sur une terre de sportifs« . Elle oppose même dans la suite du montage les « pays à problèmes » et les « pays pas problèmes » (re-sic).
« Très manichéen » pour la journaliste, qui se pince le nez : le manichéisme ne touche pas « Quotidien ». Jamais.
L’Histoire pour les nuls
Place ensuite à LA séquence phare : un rappel historique pour parachever la thèse de l’instrumentalisation des migrants lors de chaque élection présidentielle.

Le montage vidéo montre comment on a fait venir des migrants en 1964 « du fait de l’expansion économique » (argument d’autorité : c’est le Directeur de l’Office national d’immigration de l’époque qui le dit) ; puis, comment ils ont été invités à « repartir chez eux » sous Giscard (là, c’est la journaliste qui commente).
On passe à Mitterrand expliquant en 1983 que la France « a le plus grand besoin de travailleurs étrangers » et que l’on doit les « accueillir« … avant de changer de ton en 1988 face à Chirac : « On les a déversés […] Ça devient très difficile de les traiter sans nuances« . C’est pourquoi le gouvernement Mauroy « a pris des dispositions pour faciliter leur réinsertion dans leur pays d’origine, pour qu’ils puissent d’eux-mêmes partir« . Voilà Quotidien disculpé de l’accusation de partialité : ils osent même tirer sur Tonton.
La séquence s’achève avec Sarkozy faisant ricaner une assistance en « soupçonnant les étrangers de ne pas se sentir assez Français » (toujours la journaliste). La caméra revient en plateau pour une conclusion forte et concise : « On le voit : chez eux, chez nous, c’est quand ça nous arrange« . Échec et mat, on ne peut que s’incliner devant une rhétorique si puissante.
Et tant pis si la venue de travailleurs étrangers, bien qu’incitée par la France, fut le fait de leur décision libre ; tant pis si Quotidien met dans le même sac « des étrangers » (quelques-uns) avec « les étrangers » (tous). Tant pis si l’émission range des millions de destins différents dans une seule catégorie fourre-tout. C’est au nom du Bien contre le Mal, et ce n’est pas manichéen. Le neurone peut s’endormir confortablement.
Un article publié également sur Causeur.fr : cliquez ici.