C’est un texte très curieux que nous avons trouvé sur le site du département de la Charente-Maritime. Il illustre à merveille la dérive phatique de nombre d’institutions, dont les phrases compliquées mais « constructives » portent peu ou pas d’idées, voire des paradoxes intéressants. En somme, la langue de bois va bien.
Le saviez-vous ? Pour vous rendre en voiture sur l’île de Ré, en Charente-Maritime, il faut emprunter un pont et s’affranchir d’un péage. Une fois la somme acquittée, les visiteurs peuvent alors découvrir des terres insulaires parmi les plus somptueuses du patrimoine français.
L’île de Ré abrite une Réserve nationale, une faune et une flore spécifiques, et le département souhaite la préserver. Pour cela, il a donc mis en place le dispositif Cap Ré, « qui permet aux usagers de contribuer à la protection de l’île lors du passage du pont« . Le but : que le péage serve d’écotaxe « affectée à des projets environnementaux pour contribuer à la préservation de l’île de Ré« . Jusqu’ici, tout va bien.
Soudain, le site de l’institution nous gratifie d’une pépite de lucidité :

Il y a les mots-clés essentiels pour un discours générique et convenu sur la défense de l’environnement comme se doit d’en produire toute institution moderne : « patrimoine naturel« , « préserver« , « valorisation« , « protection« . C’est beau comme du Rimbaud, ça sonne comme du Lennon.
On apprend que des milliers de visiteurs « fragilisent » le patrimoine naturel sensible (donc dégradent ou abîment une terre qu’il faut préserver). Donc on les fait payer quand ils viennent : ainsi, ils fragilisent toujours l’île, mais sont des « acteurs de sa protection« .
On aurait pu interdire les voitures des touristes de passage ; autoriser uniquement l’accès aux moyens de transport non motorisés ; réduire la jauge des visiteurs admis sur le site. Non : on fait payer des gens pour qu’ils réparent ce qu’ils dégradent. La poule et l’oeuf. L’oeuf et la poule.
Un amusant paradoxe qui montre peut-être que la volonté politique s’arrête là où le touriste débarque avec son porte-monnaie.