Génération victimes, épisode 2 : l’inversion accusatoire permanente

Le deuxième épisode de cette série sur les victimes se consacre à l’inversion accusatoire. Cette figure rhétorique grossière a l’heur de fonctionner uniquement car elle est étayée, légitimée et diffusée par des relais serviles… mais puissants dans la guerre informationnelle.

Sur le vif : des « antiracistes » en pleine action militante (capture d’écran Twitter).

La victime en 2021, c’est un temple inviolable. Que dis-je, un temple inviolable ! C’est une vache sacrée, un mouton bien gardé et un pré carré gardé par un fermier hargneux et sourd qui tient fusil toujours chargé.

Pourtant, un grand nombre de ces damnés autoproclamés et de ces professionnels de l’indignation sur Twitter reprochent à autrui ce qu’autrui n’a pas fait factuellement, mais ce qu’eux font bel et bien. Ils utilisent la grande escroquerie de l’inversion accusatoire. Une technique bien connue des touristes détroussés par un pickpocket à qui l’on rétorque qu’ils étaient « trop voyants » ou ont « trop étalé leur argent« .

Illustrons ce propos avec trois exemples (arbitraires) de cas médiatisés qui témoignent de cette inversion accusatoire.

Le plus récent : l’affaire Pépita, faux antiracistes mais vrais racistes

Le 1er avril dernier, l’émission Canap95 diffuse des images d’archives de programmes télévisuels datant de 1995. Parmi les séquences diffusées, les gardiens vigilants de Quotidien remarquent une séquence. Aussitôt, l’oisive sphère et son contingent « antiraciste » éructent sur Twitter : d’après eux, Pépita est victime de racisme dans cette séquence.

Le tweet de l’émission Quotidien du 30 mars 2021 (capture d’écran Twitter).

Problème : interrogée quelques jours plus tard par Cyril Hanouna dans TPMP, Pépita explique être l’auteur de la plaisanterie remarquée la comparant à un singe sur une photo. « C’est même moi qui, en coulisses, avais dit « On dirait moi ». On en riait entre nous, de bon cœur.  » Et l’ex-hôtesse du jeu Pyramide de continuer : « S’il y a un endroit où je n’ai jamais vécu le manque de respect, la misogynie ou le racisme, c’est sur le plateau de Pyramide« .

Sur Twitter, c’est la stupéfaction totale : quoi, une personne noire ne se définit pas comme une victime ? Un individu de type subsaharien est donc capable de penser par lui-même hors du cadre essentialiste que l’on cherche à lui imposer ? Pis, Pépita ose même nous brocarder pour avoir cherché à la défendre sans avoir vu les séquences complètes ni cherché à recueillir son sentiment ? C’en est trop pour les militants antiracistes autoproclamés ! La réaction de l’intéressée les fait sortir du bois. « Négresse de maison« , « bounty » : les insultes fusent, qui ramènent toutes Pépita à sa couleur de peau parce qu’elle tient un discours différent et a refusé l’assignation à résidence en raison de sa couleur de peau.

Les mêmes qui essayaient la veille de la rallier à leur cause se rendent coupables, sans y réfléchir une seconde visiblement, de ce dont ils accusaient autrui ; à savoir, un racisme extrêmement violent. Racisme selon lequel un noir devrait toujours penser comme on lui dit de penser.

On remarque au passage également que l’inversion accusatoire repose souvent sur une distorsion sémantique. Ainsi, les militants « antiracistes » sont en fait trop souvent des racistes avérés. Ils perçoivent les individus uniquement en se fondant sur la couleur de leur peau : un blanc est un oppresseur parce qu’il est blanc ; un noir est une victime parce qu’il est noir ; un jaune ne les intéresse pas, parce qu’ils ne sont pas assez gueulards ou menaçants.

Rappelons ici une définition du racisme : « Attitude d’hostilité pouvant aller jusqu’à la violence, et de mépris envers des individus appartenant à une race, à une ethnie différente généralement ressentie comme inférieure. » Les antiracistes sont bien souvent de grands racistes, mais à l’encontre des blancs. Et à l’occasion, ils ne dédaignent pas de se faire un noir lorsque celui-ci refuse le cadre de réflexion marxo-racialiste étriqué qu’ils cherchent à lui imposer.

Ce cas très commenté fournit un remarquable exemple d’inversion accusatoire : en 24 h, un militant antiraciste autoproclamé devient un authentique raciste. Sans que Twitter censure le moindre compte. Sans que Quotidien, pris en plein délit de paternalisme racial, fasse son mea culpa.

Le plus glauque : elle invente des faits car elle ne voit pas ceux qui ont réellement lieu

La fameuse (fumeuse ?) interview de Caroline de Haas dans L’obs en février 2018 (capture d’écran).

Autre période (2018), autre cause (féminisme). En 2018, la militante féministe Caroline de Haas accorde une interview à l’Obs. Sans doute galvanisée par le mouvement #metoo, elle y assène un chiffre saisissant : selon elle, « un homme sur deux ou sur trois est un agresseur« . En l’absence de la moindre donnée corroborant ces propos, les réseaux sociaux prennent violemment à partie la cofondatrice d’Osez le féminisme. Lasse, celle-ci ferme ses comptes sur lesdits réseaux quelques jours après, se disant « fatiguée de ces violences« . Celle qui qualifie extrêmement violemment 50 % à 67 % des humains de sexe masculin d’ « agresseur » se plaint de « violences« .

Mais Caroline de Haas ne fait pas que produire des chiffres farfelus : elle dénonce en prime régulièrement une supposée « culture du viol », culture qui se développerait sous l’ombre protectrice du secret : « l’omerta la plus totale règne dans le monde de l’entreprise« , explique Caroline de Haas.

Celle qui fut secrétaire générale du syndicat étudiant UNEF de 2006 à 2009 n’a cependant vu aucun viol ou d’agression sexuelle au sein du syndicat qu’elle dirigeait. Toujours prompte à marquer au fer rouge « les hommes » sans nuance, elle fut frappée de cécité tandis que plusieurs femmes se faisaient agresser sexuellement dans le cadre d’activités syndicales sous son règne. Si l’on suit sa rhétorique, elle est par son silence partie prenante de cette culture du viol et de l’omerta.

(Re) mise en cause, l’intéressée se défendait ainsi : « Il y a 10 ans, je n’étais pas une militante contre les violences sexistes et sexuelles. J’étais une femme, une victime de violences, qui n’était pas formée pour détecter les violences dans mon entourage. » Manque de formation : une explication satisfaisante dans son cas, mais une faute grave dans le cas d’autrui. Encore une fois, un Fouquier-Tinville d’opérette commet les fautes dont il accuse autrui.

Heureusement, Caroline de Haas a fondé Egaé, une agence de conseil en égalité professionnelle qui dispense des formations de sensibilisation à l’égalité des sexes. « Egae, c’est environ 60 % d’interventions pour des organes publics et 40 % dans le privé« , explique Mme de Haas. De là à faire le lien avec sa critique visant le budget supposément insuffisant du plan gouvernemental contre les violences faites aux femmes (420 M€ en 2018), il n’ y a qu’un pas. Non contente de maîtriser l’inversion accusatoire, il semblerait que Caroline de Haas utilise à la perfection la dialectique du geignard pour servir ses intérêts financiers.

Le plus alambiqué : Kellogg’s face à une ancienne députée anglaise

Article de la BBC relayant l’information le 16 juin 2020 (capture d’écran).

Stupeur et tremblements : en juin 2020, une ancienne députée anglaise remarque un fait qui la trouble. La mascotte des céréales Coco Pops est un « singe » alors que les personnages emblématiques des céréales Rice Krispies sont d’après elle « trois garçons blancs« . Dans son tweet, Fiona Onasanya pratique même le sous-entendu : le singe est accolé à des céréales « marron et au goût chocolaté« .

J’avais déjà décortiqué le procédé d’inversion accusatoire dans cet article. « On a une femme noire qui, dès qu’elle voit un singe illustré façon cartoon, trouve ça raciste. Pour cette personne, le lien entre le singe et un homme noir est indéniable : pour elle, le singe fait tellement penser aux noirs que c’est raciste. Un rapprochement qui est pour le coup authentiquement raciste.« 

Complexe d’infériorité ? Besoin de reconnaissance médiatique en utilisant une cause consensuelle qui minimise la prise de risque ? Voici en tout cas un cas fort cocasse d’inversion accusatoire. Mme Onasanya aurait dû sortir sa carte « victime de racisme » lorsqu’elle est allée en prison pour excès de vitesse et pour avoir menti à la police. Nul doute que la justice, tétanisée par cette accusation comme Superman face à de la kryptonite, aurait tergiversé.

Conclusion : l’inversion accusatoire, une stratégie mise à nu

L’inversion accusatoire est, avec la dialectique du geignard (voir l’épisode 1), une autre corde à l’arc de la victime autoproclamée (que l’on prendra bien soin de distinguer de la victime effective). Un moyen naguère puissant pour réduire au silence vos détracteurs, terrorisés à l’idée de passer pour des opposants aux valeurs dominantes de la société occidentale, par exemple l’antiracisme ou l’égalité des sexes. Pour cela, il vous faut des relais puissants, capables de fabriquer l’opinion publique : personnel politique, médias, people, etc. Sans eux, vous resterez un marginal lanceur d’anathèmes.

L’inversion accusatoire est cependant une technique à double tranchant : en accusant les autres, vous leur donnez une raison de vous accuser à votre tour pour se défendre. En vous plaçant en accusateur, vous vous placez au-dessus de la mêlée et vous vous drapez d’une morale intransigeante : on attend logiquement que vous en soyez le pratiquant le plus intègre. C’est pourquoi l’inversion accusatoire est souvent associée à une indignation à géométrie variable : ce n’est pas grave si c’est moi, je ne savais pas ; c’est impardonnable venant des autres, quels que soient le contexte ou les explications données.

Enfin, l’inversion accusatoire fonctionne bien sur des personnes crédules. Convaincues par vos soins d’être déviantes, ces personnes seront ensuite autant de clients potentiels pour vos produits et services de rééducation.