Faux militants écologistes, vrais vandales : le nihilisme en action

Loin de faire consensus dans l’opinion publique, le buzz recherché par certains militants et mouvements auto-proclamés « écologistes » est une insulte à la logique, à l’art, voire à la vie en société.

Tweet du compte « Letzte Generation » relayant la dégradation d’un tableau de Monet.

Demi-finale hommes interrompue à Roland-Garros, tableaux célèbres maculés de nourriture, véhicules dégradés, blocages de lieux publics ou d’autoroutes, opéra interrompu… Tout le monde a entendu parler de ces actions coup-de-poing survenues en 2022, actions dont la pertinence et l’impact sont inversement proportionnels à l’écho médiatique qui leur est complaisamment offert. On ne peut pas en vouloir totalement à ces militants, à qui l’on serine que l’éco-anxiété -la trouille du lendemain- est le signe d’un esprit sain. Consacrer une peur en vertu, le témoin d’une société malade ?

Où que ce soit, la rhétorique de ces militants et leurs modes d’action présentent des similitudes révélatrices.

L’eschatologie de la planète…

Ce qui frappe d’abord le citoyen, c’est la prégnance d’une vision apocalyptique du monde érigée en dogme inébranlable et indiscutable. Un rapport du GIEC donne 3 ans pour ralentir le réchauffement climatique et effectuer la transition énergétique souhaitable ? Et voici Alizée, 22 ans, persuadée que nous allons tous mourir dans 1 028 jours, qui interrompt la demi-finale hommes de Roland-Garros.

Les militants allemands qui ont tenté de vandaliser un tableau de Monet évoquent eux des énergies fossiles qui « nous tuent tous« . Soit ils y croient littéralement, mais paraissent curieusement bien vivants au moment de commettre leur acte étrange ; soit ils ont une pensée plus nuancée et affichent un discours irresponsable, car angoissant et culpabilisant.

L’absence de futur et la fin du monde constituent, à les entendre, le seul horizon de ces militants, qui appartiennent à des mouvements au nom souvent éloquent : « Dernière Génération », « Extinction Rébellion », « Dernière Rénovation », etc. S’il n’est pas question de nier le réchauffement climatique, ils déforment cette idée en vision délirante dans laquelle ils s’assurent le rôle du héros clairvoyant qui lutte pour sauver toute l’espèce d’une mort certaine. Une façon comme une autre de trouver un sens à sa vie, bien que celle-ci soit nuisible à la société.

… pour masquer l’indigence

Nuisible, oui ; car ces actions, qui sont à la portée du premier gogo un peu crédule, frappent par leur indigence. Qui peut croire en effet que cela permet de lutter efficacement contre la dégradation de l’environnement ? Comment tant de jeunesse, force vive s’il en est, peut-elle se perdre dans ce type de manifestations ?

Ils pourraient étudier pour rejoindre des équipes de chercheurs occupés à dépolluer les océans, à nettoyer la terre, à produire des matériaux biodégradables ; ils pourraient s’organiser pour ramasser des déchets comme le font régulièrement des milliers de bénévoles ; il y a tant de choses à accomplir, c’est vrai ! Cela leur permettrait d’agir réellement et de convertir ainsi leur préoccupation -assez partagée au sein de la population finalement- en projets utiles.

Mais ceux qui bloquent les autoroutes ou saccagent des véhicules privés allient l’indigence de l’acte à celle de leur rhétorique. La Joconde entartée ? L’entarteur demande : « Tous les artistes, pensez à la Terre. C’est pour ça que j’ai fait ça. » Relisez bien : il n’y a AUCUN rapport de causalité, mais une injonction visant à faire plier les artistes, sommés de dépeindre uniquement la mort de la planète et de l’espèce humaine (dans quel type de régime met-on le monde culturel au pas, déjà ?). À Londres, les militants qui ont lancé de la soupe de tomates sur le tableau « Les Tournesols » de Van Gogh ont justifié leur acte en expliquant que « la vie quotidienne est devenue inabordable pour des millions de familles qui ont froid et faim – elles n’ont même pas les moyens de s’acheter une boîte de soupe« . Gâcher de la nourriture pour en dénoncer le manque, n’est-ce pas là le degré zéro du raisonnement ?

Mauvais exemples

En fin de compte, ces actions de « désobéissance civile » -sémantique flatteuse qui permet de se rêver en éternel rebelle- sont contre-productives pour plusieurs raisons. D’abord, nous avons affaire à des personnes qui exigent des modifications de comportement de tous, mais ne pratiquent pas ce qu’elles prêchent. Ils parlent décroissance et sobriété, mais utilisent des smartphones bourrés de minerais rares pour relayer leurs actions et des matériaux polluants : bombes de peinture, colorants, etc. On repense aussi aux innombrables déchets abandonnés sur place après chaque manifestation, nécessitant l’intervention d’équipes techniques qui utilisent… des produits chimiques et des poids lourds. Finalement, le remède semble parfois pire que le mal.

De plus, les actions de ce type n’ont que peu de chances d’emporter l’adhésion de l’opinion publique (au-delà du microcosme de post-adolescents partageant les mêmes névroses et qui ont en commun de ne pas envisager de travailler plus dur pour mieux servir leur cause). Et ce, pour une raison simple : c’est au public qu’elles s’en prennent. Comment voulez-vous être écoutés si vous abîmez les oeuvres d’art aimées par le public, si vous tentez d’intimider, si vous retardez pendant des heures des milliers de personnes, si vous vous en prenez à leurs biens et à leur argent ? Vous obtiendrez au mieux le silence en imposant la terreur ; mais vous n’aurez jamais l’assentiment ou le respect.

Un autre élément qui aurait dû alarmer ces jeunes militants du chaos est le soutien que leur a apporté Sandrine Rousseau. Dans un tweet du 15 octobre, la commissaire politique du barbecue et de la chambre à coucher a écrit à propos du jet de soupe sur un Monet que « l’action de ces jeunes avec de la soupe est hyper intéressante parce que très dérangeante. La colère monte chez les jeunes contre l’inaction climatique. Et ils ont raison d’être en colère. Vraiment. »

Tout le monde devrait pourtant le savoir : lorsque Sandrine Rousseau soutient ce que vous dites et faites, c’est que vous vous êtes égarés. « Vraiment » !