Macron vous emmerde (et drague son électorat de 2017)

Les vulgarités présidentielles ne se comprennent qu’à l’aune de sa logique commerciale dénuée d’une quelconque vision

La dernière saillie de celui qui est censé être Président de tous les Français (interview au Parisien du 4 janvier 2022) affichait une grossièreté apparemment décomplexée mais savamment calculée. Macron sculpte des propos sur mesure pour chaque partie de son électorat. Ici, il ciblait sans doute ses aficionados ultimes : les CSP+ vivant dans les grandes villes. Analyse.

Capture d’écran leparisien.fr

Pour les électeurs de droite à tendance centriste ? Macron fustige le « pognon de dingue » investi dans « des minima sociaux » et demande une « reconquête républicaine des quartiers« , tel un rodomont en bras de chemise. Pour les nostalgiques de De Gaulle ? Il affirme que la France est un « pays pas réformable« . Pour les jeunes ? Des guignoleries élyséennes avec McFly et Carlito et un post en T-shirt sur TikTok. Pour les habitants des banlieues et la diversité, il y a son discours de Marseille lors de sa campagne 2017 ou la blague sur les stratégies « aussi âgées que lui » en présentant le énième plan banlieues. Et pour les vaccinés inquiets à propos du Coronavirus ? Il « a envie d’emmerder » les antivax. Emmanuel Macron, ou la communication permanente. Pour Jupiter, on repassera.

Pas de vision, que des campagnes de pub

Le Président de la République a eu maintes fois l’occasion de démontrer sa totale absence de vision politique. Président, c’est pour lui un job comme un autre -à ceci près qu’il devrait lui assurer de confortables revenus une fois la page politique tournée. Dénué d’ambitions solides pour la France, Emmanuel Macron a toujours été un gestionnaire opportuniste et intelligent, prévoyant pour lui mais pas pour la France.

Depuis le début de son quinquennat, ses spécialistes déploient une communication réactive bien que finalement assez stéréotypée, mêlant les grosses ficelles de la communication, du marketing, de la publicité, et de la propagande (elles ont de nombreuses similitudes) : principe de répétition, mises en scène, éléments de langage, slogans incantatoires, postures galvanisantes, etc.

Fidèle à sa stratégie du « en même temps », le Président donne des coups de menton à gauche, à droite, en haut, en bas, au milieu. Il a découpé son électorat en parts de marché à conforter ou à gagner, et cisèle pour chacune un discours taillé sur mesure, quitte à se contredire complètement et à de multiples reprises. Ces incohérences et contradictions sont -pour beaucoup d’esprits impressionnables ou peu connaisseurs des arcanes de la comm’- effacés par la figure d’un chef charismatique et atypique, qu’on l’apprécie ou non.

Il y en aura pour tout le monde !

Lorsque notre Président conchie plusieurs millions de ses concitoyens non-vaccinés pour rappeler à ceux qui l’ont élu qu’il est comme eux et qu’ils sont comme lui, il montre simplement qu’il a compris la nouvelle polarisation du monde. Macron oppose simplement les supporters du populisme à ceux du mondialisme. Il s’adresse aux « anywhere » -les CSP + habitant dans des grandes villes- et ignore pour le moment les « somewhere » -les ruraux et les Gilets jaunes des ronds-points-, qu’il sait réfractaires à ses méthodes et à sa personne.

Ceux qui dénoncent une « stratégie risquée » font erreur, à mon humble avis. Cette stratégie, il la mène depuis 5 ans ; elle lui permet d’être en position favorable pour la prochaine élection présidentielle, fort d’une bonne cote de popularité. Comme n’importe quel politique du XXIe siècle, Macron sait que l’opinion publique a la mémoire courte, est versatile, et se distingue par une inculture politique qui l’avantage. Nous aurons sans nul doute l’occasion dans les 4 prochains mois de le voir dire le contraire de ce qu’il a dit pour draguer une autre part de marché en « nourrissant sa part d’imaginaire » (Arnaud Benedetti), quitte à s’éloigner du réel

Les perdants, ce ne sont pas les antivax. Ce sont les Français, tous.