Réapproprions-nous le sens des mots !

Il est grand temps d’appeler à nouveau un chat, un chat

Depuis des années, il ne se passe pas une semaine sans que l’actualité nous abreuve de mots dont le sens est distordu, tronqué, ou tout simplement erroné. Le contexte permettant la compréhension des faits est absent lorsqu’il est nécessaire, et présent lorsqu’il n’apporte rien. Résultat : en l’absence de mots adéquats, il devient difficile de penser le monde réel dans un cadre précis.

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Élection présidentielle, tensions sociales et civilisationnelles, politiquement correct, bassesses et grandeurs de l’Homme : il vous devient presque impossible de faire du monde un objet de réflexion quotidienne ou philosophique. Ne pensez pas, répétez des formules creuses et prémâchées. Les « éléments de langage » ont remplacé la pensée subtile et nuancée, le « buzz » remplace le fait, les invectives remplacent le débat, les oxymores pullulent, les contradictions pleuvent sur votre esprit embrumé par l’enchaînement des informations. Votre attention, déjà vampirisée par les GAFAM [1], se rend. Inutile d’essayer : votre cerveau n’a plus le temps. Il faudrait penser une quantité d’informations jamais connue dans l’histoire de l’humanité : c’est trop pour un seul être humain, fût-il le plus grand des génies.

Notre époque nous donne à observer une disruption (cassure) gigantesque de la langue française. Ces travestissements linguistiques, ce mésusage permanent du signifié et du signifiant des mots nous privent de la plus formidable liberté : celle de penser. Et nous nous faisons avoir, trop las pour nous battre, déjà privés de nos armes par une école qui devient davantage une fabrique du crétin qu’un lieu où l’on forme des citoyens éclairés [2].

Mots : la disruption permanente

Récemment, Mathieu Kassovitz, parti inaugurer une fresque en Ukraine, y faisait l’apologie des Ukrainiens « nationalistes » qui se battent contre les Russes [3]. Des propos qui ont fait hausser des sourcils, le même Kassovitz ne ratant pas une occasion de fustiger le présumé nationalisme des Français inquiets de l’immigration massive, qu’il assimile à du « racisme » [4]. Il suffit de s’intéresser au discours du cinéaste pour comprendre qu’il est contre les frontières, mythifie la figure de l’Autre, et présente depuis longtemps son désir d’un métissage total en France comme un avenir inéluctable et un passé tangible [5]. On comprend mieux la rhétorique kassovitzienne lorsquon observe le fond des propos : c’est une opinion.

D’autres exemples ? Un suspect « connu des services de police » ? Un euphémisme pour désigner un délinquant/criminel multirécidiviste. On passe de l’idée d’une connaissance (« Salut Michel !« ) à celle, plus précise, d’un individu dont les choix systématiques ou réguliers nuisent à la société dans son ensemble. Quelqu’un tient des propos osés ? On le qualifiera différemment selon son bord politique : « sulfureux » ou « polémique » s’il est de droite, « engagé » s’il est de gauche. Qualifier pour disqualifier ou pour valider : c’est qu’il faut vous apprendre à penser correctement ! Un « coup de couteau à la gorge » ? C’est une tentative de meurtre par égorgement, technique primitive et brutale d’importation récente. En appelant précisément les choses, on saisit l’extrême violence de celui qui tente de tuer -qu’il saisisse la gravité de son geste ou non. Les « tensions » à Sevran étaient en fait des émeutes, voire des actes de sédition (j’en parlais ici).

Dans ce dernier exemple, il faut pour parler de « sédition » comprendre non seulement le sens de ce mot, mais aussi le contexte.

Livre pour enfants « La belle lisse poire du prince de Motordu ». Heureusement, le prince rencontre la princesse des écoles à la fin !

Antiracisme, antifascisme, féminisme, sexualité : la connaissance du contexte, élément clé

Le contexte des mots les éclaire bien souvent. Encore faut-il le connaître. Vous connaissez les antiracistes ? En théorie, ce sont des personnes qui luttent contre « l’idéologie fondée sur la croyance qu’il existe une hiérarchie entre les groupes humains, autrefois appelés « races » et le comportement qui découle de cette idéologie » (Larousse). Aujourd’hui, les antiracistes autoproclamés comportent parmi eux les pires des racistes. Comment qualifier autrement une personne dont les réflexions s’opèrent entièrement à partir d’une distinction effectuée selon la couleur de peau ? Certains amateurs de justice sociale façon BLM ou antifas ont décidé que la couleur de la peau vous astreint à un comportement qu’ils définissent : un Noir doit être une « victime« , un Blanc un « oppresseur« , le mâle Asiatique doit être victimisé en raison de l’imaginaire peu viril que certains s’en font. À les écouter, on ne doit plus rien au mérite, aux idées, aux choix. Exit votre liberté et votre responsabilité ! Tout est couleur de peau. Celle-ci définit votre place dans la société, ce que vous devez dire, faire, et penser. Ce n’est pas de l’antiracisme : c’est du racisme pur et simple. Partant, donnons-lui son nom réel. Cela nous armera moralement et intellectuellement pour lutter contre le racisme, ce fléau d’une terrible universalité. Il en est de même pour les « antifascistes », devenus aujourd’hui les champions de l’agression, de l’intimidation, de la censure, du jugement populaire, bref : du fascisme pur et simple.

On parle beaucoup ces temps-ci d’une certaine conception woke et punitive du féminisme. Pourquoi le collectif de Caroline de Haas #NousToutes est-il volubile au moindre soupçon d’agression de la part d’un « mâle blanc », et totalement aveugle, sourd et muet lorsque le suspect a le teint trop hâlé (on pense entre autres aux viols de Cologne) ? L’analyse de ses prises de parole et de ses éléments de langage indique simplement que le collectif en question n’est pas féministe : il est plus probablement anti-hommes occidentaux et est l’un des idiots utiles de la diversité. Beaucoup de soi-disant féministes ne désirent en fait que l’égalité hommes-femmes (impossible) au lieu de revendiquer l’équité (objectif souhaitable que la France atteint relativement bien). Leur lutte contre un prétendu patriarcat -en réalité une chimère agonisante- ne se comprend qu’en synthétisant l’ensemble de leurs actions. Caroline de Haas, l’une de ses fondatrices, est ainsi passée maître dans l’art de créer des problèmes (harcèlements moraux et sexuels par exemple) pour vendre ensuite des formations… dédiées à la lutte contre ces mêmes harcèlements [6] ! Est-ce là du féminisme, ou du business moralement douteux ?

A contrario, le collectif féministe Némésis (qui pointe du doigt l’important contingent d’agresseurs issus de l’immigration pendant des manifestations) n’est pas que féministe ; il est identitaire et nationaliste. Son combat ne se comprend qu’à la lumière de cette connaissance (facile à obtenir, puisque c’est indiqué sur leur site). Leur irruption dans des défilés féministes dirigés contre les mâles blancs (ceux qui s’excusent platement ; pas les autres mâles, qu’elles redoutent) montre leur volonté de témoigner de la cécité partielle d’autres mouvements dits féministes. Bien sûr, tout ce petit monde est prêt à filmer et diffuser le moindre dérapage de l’autre camp pour étayer son point de vue auprès de l’opinion publique.

Un dernier exemple nous est fourni par le sacro-saint combat LGBTQIIAAHJDHOCNOHZHDIO+-. Vous avez juste affaire dans la majeure partie des cas à des personnes instables, en mal de reconnaissance, et geignardes. Des adultes qui voient l’État comme l’enfant voit ses parents : une autorité capable de lui donner raison et de satisfaire ses moindres caprices. Leur rhétorique se mord la queue, leurs arguments sont contradictoires. Réalisez l’incurie de la pensée de certains : dans « LGBT », le « B » signifie « bisexuel » (sous-entendu, il y a deux sexes) ; les mêmes nous expliquent aujourd’hui qu’il y a des dizaines de genres… Parle-t-on de Pokemon ou de souffrance ? Ne vous laissez pas enfumer par le jargon pseudo-scientifique qu’ils utilisent. Ces gens refusent de s’adapter au monde et demandent au monde de s’adapter à eux : c’est impossible. Ce faisant, ils occultent des personnes (sans doute une infime minorité, mais une minorité existante) qui souffrent réellement d’une dysphorie de genre et se voient représentés par des imbéciles se définissant comme « ours non-binaire poilu lesbienne gender fluid ».

La liste est interminable : en fait de « débat » (Larousse : « Discussion, souvent organisée, autour d’un thème« ), nous assistons davantage ces jours-ci à une foire d’empoigne dans laquelle les candidats sont dénués de la moindre considération pour leur adversaire et pour les Français. Emmanuel Macron, qui esquive le débat, montre ainsi implicitement qu’il sait la puissance des mots (il a peu d’arguments et beaucoup d’éléments de langage ciblant des catégories précises) et la force du contexte (son quinquennat déplorable le rend vulnérable).

Conclusion : réapproprions-nous le réel !

Cette disruption permanente des mots, ce camouflage du contexte, cette quantité considérable d’informations à traiter concourent à modeler notre façon de penser le monde, de nos conversations amicales au bulletin de vote que nous glisserons (peut-être) dans l’urne pour l’élection présidentielle. Vos représentations du réel sont biaisées par des gens parfois intelligents et éduqués qui tentent de nous manipuler, souvent par des égoïstes ne servant que leurs petits intérêts. Or, ce sont ces représentations mentales qui façonnent nos amitiés et inimitiés, nos accords et désaccords, nos grandeurs et nos bassesses. Être un fasciste serait acceptable si vous êtes de gauche et que des médias vous appellent « antifascistes » ? Allons donc !

Redonnons leur sens réel aux mots, et ajoutons-y une acception particulière liée à notre personnalité ; mais partageons tous une base linguistique et des connaissances communes pour penser le monde à l’aide d’un code compréhensible par tous !

Dans cet article, j’ai donné des exemples : peu importe que vous soyez d’accord avec moi et avec ma grille de lecture ; soyez en désaccord, justement ! Mais de grâce, pensez votre désaccord, prenez le temps d’apprécier ou de fustiger les mots que j’ai écrits et la pensée que j’ai formulée, développez vos propres exemples et arguments, entraînez votre pensée ! Alors, la pire chose qui pourrait nous arriver serait de débattre de nos conceptions grâce à un langage commun. Heureusement, nous sommes encore nombreux à le faire.

[1] https://www.causeur.fr/la-guerre-de-l-attention-yves-marry-et-florent-souillot-229494

[2] https://www.babelio.com/livres/Brighelli-La-Fabrique-du-Cretin–La-mort-programmee-de-lec/13338

[3] https://www.huffingtonpost.fr/entry/mathieu-kassovitz-et-le-photographe-jr-en-soutien-a-lukraine_fr_622f65b9e4b0d1329e88ab88

[4] https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/cinema/mathieu-kassovitz-les-racistes-ont-perdu-leur-combat-04-08-2020-8363109.php

[5] https://www.msn.com/fr-fr/divertissement/celebrites/nous-sommes-m%C3%A9tiss%C3%A9s-de-souche-le-message-de-mathieu-kassovitz-%C3%A0-eric-zemmour/ar-AARTllx

[6] https://www.causeur.fr/caroline-de-haas-feminisme-gouvernement-violences-sexuelles-171247