Guerre de civilisations : le conquérant, le lâche, et le lucide

« La liberté guidant le peuple » de Delacroix

La guerre de civilisation qui a cours ressemble sur le fond à la guerre en général. Dans ce nouveau drame qui se joue, la haine et la violence se répandent une fois de plus au grand jour. Face à elles, l’humanité se partage comme à son habitude en trois grands types : les conquérants ; et, parmi les conquis : les lâches et les lucides.

N’en déplaise aux adeptes des trois singes de la sagesse, une guerre de civilisation se joue sur notre vieille Terre. C’est déplorable, mais l’ignorer n’empêche pas cette guerre de se dérouler. La France est peut-être le lieu privilégié des combats et l’épicentre de cette guerre, son principal champ de bataille.

La guerre, un classique de l’Histoire

L’Homme fait simplement ce qu’il a toujours fait dans l’histoire, et les preuves de l’existence de ce conflit sont servis sur une table chaque jour à ceux qui veulent voir, en quantité inépuisable. En résumé : rien de nouveau sur la Terre depuis que l’Homme est Homme.

En 1945, la Seconde Guerre mondiale prit fin. L’Homme avait vu ses propres capacités destructrices en action, et en avait eu peur. « Plus jamais ça !« , nous étions-nous promis, le coeur sur la main. Mais nous avions tous nerveusement l’index tendu au-dessus d’un inimaginable moyen de destruction : l’arme nucléaire. Déjà, les indices affleuraient, qui montraient que l’humanité dans son ensemble paraît incapable d’apprendre au-delà d’un certain stade.

D’autres guerres eurent lieu : en Indochine, au Rwanda, en Bosnie, en fait un peu partout sur la planète. Longtemps préservée d’un conflit armé sur son sol, la civilisation occidentale affronte maintenant un conflit d’une nature plus rare et cyclique : une guerre de civilisation. Et comme d’habitude, elle fait émerger trois archétypes : le conquérant déterminé, le lâche complice et apeuré, et le lucide bien seul.

Le conquérant…

On s’était juré de se méfier de l’uniforme militaire en parade et du chef belliqueux, mais l’Histoire en général ne nous a visiblement rien appris sur un ennemi original : l’ennemi à la fois extérieur et intérieur.

Celui-ci hait tout ce que l’Occident représente, quitte à lui attribuer des torts complètement délirants et infondés. Il a avec lui une vision archaïque et violente de sa religion et se fait de son Dieu l’image d’un minable, commettant ainsi chaque jour le pêché de blasphème. Croire que son Dieu a besoin des hommes pour se venger ou accomplir ses desseins, c’est croire son Dieu incomplet et vaguement impuissant. Une impiété totale !

Il utilise des moyens classiques : le terrorisme pour affaiblir psychologiquement la population et ainsi faire indirectement pression sur ses décideurs politiques de celle-ci ; la propagande intensive, notamment sur les réseaux sociaux, ensuite ; puis la guerre de guérilla et la conquête de territoires dans ce que l’on appelle aujourd’hui pudiquement en France les « quartiers de reconquête républicaine« . L’appellation est tristement révélatrice : si ces quartiers sont à reconquérir, alors c’est qu’ils ont été conquis.

Lorsque l’ennemi sera plus nombreux que les conquis sur le sol de ces derniers (démographie oblige), il fera ce qu’il a toujours fait dans ces cas-là : imposer sa culture et sa religion par l’humiliation, la violence, le meurtre.

Cet ennemi, c’est le conquérant. Il est agressif, déterminé, et utilise toutes nos faiblesses.

… le lâche…

Le conquérant utilise majoritairement une faiblesse de son ennemi qui n’a sans doute aucun précédent, en tout cas dans son ampleur. Ce talon d’Achille dans la civilisation occidentale, c’est sa culpabilité infondée. Si la civilisation occidentale est bel et bien responsable de la guerre la plus monstrueuse de l’Histoire, ses acteurs sont quasiment tous morts aujourd’hui. Au lieu d’en tirer une leçon fondamentale, les Occidentaux désormais battent leur coulpe sans raison, de façon tellement permanente que c’en est gênant. Nous avons atteint un point où un groupe humain a mis les intérêts d’un autre groupe humain au-dessus des siens, fait unique dans l’Histoire.

L’état de délabrement du monde Occidental est tel que des milliers de faibles Américains furent prêts à s’agenouiller face à des gens auxquels ils n’avaient pas causé le moindre tort en 2020. Les Occidentaux coupables de ces pitoyables démonstrations de faiblesse se mettent toujours au centre de tout, comme des suprémacistes du Ku-Klux-Klan le faisaient à une autre époque ; mais eux le font pour s’avilir, se rabaisser, s’humilier.

Adoptez un comportement de dominé, et vous le serez fatalement. De La Boétie à Tocqueville, ce phénomène a déjà été dûment théorisé et documenté. Selon Bourdieu, les dominants imposent leurs valeurs aux dominés qui, en les intériorisant, deviennent les artisans de leur propre domination. Ici, les conquérants n’ont même pas besoin d’imposer les « valeurs » des dominés, mais de les entretenir.

Encore plus grave, un bon nombre de dirigeants occidentaux (politiques, religieux, médiatiques, associatifs, sportifs, d’entreprises) se ruent dans cette voie malsaine, entraînant dans leur sillage des populations livrées au loup. Mais, contrairement aux agneaux dans la nature, ces hommes et certains de ceux qu’ils entraînent ne luttent pas. Ils s’assaisonnent eux-mêmes pour que le loup fasse un meilleur repas.

Nous le voyons, nous sommes prévenus : le conquérant s’affiche de plus en plus au grand jour. Pourtant, une fraction de l’Occident lui est soumise par avance, comme un bon nombre de collaborateurs furent soumis à l’occupant nazi.

Cette fraction, ce sont les lâches. Ils porteront une grave responsabilité par leurs accommodements, leurs renoncements et leur pusillanimité.

… et les lucides

Finalement, il reste peu à dire sur les lucides. Le cours de l’Histoire est aussi marqué par ces hommes à la vue claire et à l’esprit bien fait. Ces Hommes qui ont compris que le Bien et le Mal peuvent venir de partout, et savent les percevoir malgré les apparences. Ceux qui ont compris que le monde est complexe, et que sa perception nécessite de la nuance. Ceux qui sont capables d’assez de hauteur de vue pour identifier les phénomènes en mouvement. Ceux qui comprennent lorsqu’il y a un décalage fort entre la réalité et les mots et les idées que les dominants Ceux qui veulent, savent, et peuvent se défendre et protéger les autres face au conquérant. Ceux qui, une fois victorieux à l’issue de la guerre, sont assez maîtres d’eux pour juger et punir les coupables, conquérants et leurs alliés lâches, sans sombrer dans la barbarie vengeresse ni renier leur morale.

Ils sont pour l’instant réduits au silence par un puissant appareil coordonné, et éparpillés.

Doucement, ils semblent se réveiller. Mais le temps joue contre eux.