Fort avec les faibles, faible avec les forts : l’État français propose la meilleure imitation de Louis de Funès qu’on ait connue. Dans ses films, l’acteur incarnait souvent un personnage obséquieux, n’hésitant pas à rudoyer plus faible que lui, mais s’aplatissant piteusement face à plus fort. En France, cette façon de faire est caractéristique du gouvernement d’Emmanuel Macron. L’État de Funès, épisode 1 : Gilets jaunes vs Assa Traoré.
Répression violente contre les Gilets jaunes…
Les faits sont souvent têtus et s’imposent d’eux-mêmes, au grand dam de l’idéologie, qui elle doit se battre pour imposer une vision ne correspondant à aucune réalité.
11 morts, plus de 4 400 blessés et mutilés (parmi les manifestants et les forces de l’ordre) : non, ces chiffres ne sont pas ceux des émeutes de Minneapolis. Ils attestent notamment d’une répression policière incontestablement excessive durant les manifestations de Gilets jaunes entre 2018 et 2019.
Alors ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner se distingue par son inflexibilité : en décembre 2018, il évoque des « factieux ». En avril 2019, il réfute toute violence policière malgré les faits. Bref, le ministre fait ce qu’on lui demande sans sourciller. C’est d’ailleurs cette qualité qui lui vaut sans doute d’occuper son poste actuel, plus que ses compétences en matière de police. Il ne s’agit pas ici de soutenir les Gilets jaunes, mais de rappeler combien la répression fut disproportionnée dès le départ, même si des casseurs ont peu à peu pourri le mouvement en s’y greffant.
… mais les yeux grands fermés pour la diversité
Notre ministre est un mélange de Janus et de Louis de Funès : il réussit à être à la fois incohérent et lâche, tout en trahissant son mandat et les Français. Christophe Castaner est plus prompt à galocher des minettes en boîte de nuit ou à cogner du Gilet jaune qu’à veiller au respect des interdictions que son propre gouvernement a édictées.
Le 2 juin, une manifestation totalement illégale a rassemblé à Paris — en dépit des restrictions sanitaires — près de 20 000 personnes demandant, en vrac, « justice pour Adama », « halte aux violences policières », ou appelant à la révolution. Le contraste est saisissant avec les Gilets jaunes : des photos de foules de ces deux mouvements montrent bien les deux France qui s’affrontent déjà, n’en déplaise à l’optimiste Gérard Collomb. Pour les Gilets jaunes : des blancs en grande majorité. Pour la manifestation illégale : des noirs en grande majorité. Deux populations qui vivent sur le même territoire, mais ne partagent plus rien.
Castaner contre la loi et la Constitution
Macron et Castaner en font un état de fait : en France, la loi n’est pas la même pour tous. Quand le comité « Justice pour Adama » (qui, soit dit en passant, réfute les conclusions de trois séries d’experts ne collant pas avec son programme politique) manifeste illégalement, les CRS encadrent le mouvement, mais il n’y a aucune répression. Pourtant, c’est illégal ; pourtant, nous sommes dans une période de déconfinement sanitaire après une pandémie ; pourtant, la devise française mentionne fièrement l’égalité ; pourtant, l’article Premier de la Constitution française pérore sur « l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. » ; pourtant, les propos entendus dans cette manifestation et dans la bouche d’Assa Traoré tomberaient largement sous le coup de la loi Avia fraîchement votée.
Rappelons que ce jour-là, des dizaines de manifestants ont traité un CRS noir de « vendu ». Parce qu’il est noir et CRS. Le racisme n’est en France ni systémique ni d’État : il vient de la population elle-même. Il n’est plus l’apanage des blancs depuis longtemps, même si certains s’échinent encore à nier sa dimension universelle. Mais ça, ça passe bien au-dessus de la tête de Christophe Castaner. Pensez-vous, il n’est que ministre de l’Intérieur !
« Nul n’est censé ignorer la loi »
Nous en sommes là : en France, un ministre de l’Intérieur viole ses propres lois et textes fondateurs, probablement à la demande d’un Président de la République soucieux de contenir les émeutes et dont l’action politique vise en grande partie à favoriser sa réélection, à coups de petits calculs minables.
Une autre hypothèse plus clémente serait de dire que notre ministre ignore la loi, que pourtant « nul n’est censé ignorer ». Dans ce cas, il serait toujours coupable, mais d’incompétence crasse.
Nous avons donc deux options : soit Castaner est un incompétent peureux et agressif, soit c’est un exécutant servile, sans principes et sans envergure, qui obéit sagement sans se poser de questions. Au vu du parcours et du pedigree du bonhomme, la seconde option paraît plausible. Envoie la police taper ici, mais ne touche pas à ceux-là : la manifestation du 2 juin est un nouvel exemple de l’État de Funès. L’égalité est aujourd’hui un mythe. Coluche disait : « Les hommes naissent libres et égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres ». À son époque, cette phrase était drôle. À son époque…