Amphigourique : kézako ?

Amphigourique : ce mot signifie « compliqué et confus ». On l’emploie souvent pour qualifier un style d’écriture. Il est amusant de constater que le mot « amphigourique » est lui-même amphigourique !

La scène suivante se déroule dans une librairie. Deux clients feuillettent des livres…

Client 1 : – Pouah ! Que cet écrivain a un style lourd et complexe, ce livre semble imbuvable !

Client 2 : – Voulez-vous dire un style ampoulé ?

Client 1 : – Même pas ! Un style ampoulé désignerait une façon emphatique de raconter. Mais ici, l’écrivain met un style fastidieux au service d’idées qui ne sont même pas claires ! Le récit ne tient pas debout, la psychologie des personnages non plus.

Client 2 : – Comment qualifieriez-vous ce style, alors ?

Client 1 : – Là, comme ça, je dirais bien qu’il est… amphigourique !

Client 2 : – Que cela veut-il bien dire ?

Client 1 : – Je viens de l’inventer… Cela désignera à l’avenir toute expression compliquée et confuse. Pas mal, hein ? Je viens de créer un mot ! Qu’en dites-vous ?

Client 2 : – J’en dis qu’il est regrettable, cher Monsieur, que votre nouveau mot soit lui-même… amphigourique !

Client 1 : – …

Ainsi naquit le mot « amphigourique ».

Lapsus : un lapsus en lui-même

Un mot intéressant que « lapsus », qui sert à désigner « l’emploi involontaire d’un mot pour un autre, en langage parlé ou écrit. » Imaginons un instant le moment historique ou un brillant linguiste décida de donner un nom à ce concept, en faisant fi de son étymologie latine !

Individu : – Je le hais… pardon, je l’apprécie, voulais-je dire !

Linguiste : – C’est amusant, vous venez de dire deux choses antinomiques.

Individu : – Oui…

Linguiste : – L’aimez-vous vraiment ?

Individu : – …

Linguiste : – Soyez franc, cela sera notre secret.

Individu : – Très bien. Je déteste singulièrement cette personne, mais je prétends l’apprécier pour respecter les conventions et l’air du temps.

Linguiste : – Donc, votre erreur de langage involontaire reflétait bien vos pensées sincères ! Vous avez sans le vouloir laissé une porte ouverte vers votre inconscient. Et celui-ci a révélé vos sentiments vrais.

Individu : – C’est terriblement gênant…

Linguiste : – Allons, allons. Vous n’êtes pas le premier à faire une erreur révélatrice en parlant ! Ce phénomène doit à présent être nommé, puisqu’il est chose courante.

Individu : – Vous êtes plus à même que moi de lui trouver un nom… Vous avez la chaire et les connaissances pour nommer pareil court-circuit du cerveau !

Linguiste, se frottant la barbe : – Mmmmh…

Individu : – Dites donc le premier mot qui vous vient à l’esprit, ce sera le nom de ce phénomène !

Linguiste : -Lappe, suce !

Individu : – …

Ainsi naquit le mot « lapsus ».

Élite : un mot galvaudé qui nécessite une nouvelle définition

D’après le dictionnaire CNRTL, une élite (dans le sens qui nous intéresse pour le présent article) a deux sens :

  • « Ce qu’il y a de meilleur dans un ensemble composé d’êtres ou de choses ; produit d’une élection qui, d’un ensemble d’êtres ou de choses, ne retient que les meilleurs sujets.« 
  • « Minorité d’individus auxquels s’attache, dans une société donnée, à un moment donné, un prestige dû à des qualités naturelles (race, sang) ou à des qualités acquises (culture, mérite).« 

Alors que les articles de presse utilisant ce mot font florès, il convient de s’interroger sur ce que ce mot désigne dans lesdits articles. Il désigne quasiment systématiquement les élus, et quelques personnes de pouvoir qui font la pluie et le beau temps en matière de médias (donc d’opinion publique), d’économie, et d’opinions.

Le hic : un fossé s’accentue entre le sens du mot « élite » et ce qu’il désigne : des donneurs de leçon qui estiment que leur rôle est de montrer comment bien penser ; des communicants dotés de quelques qualités de gestionnaire, mais à la vue plutôt courte et aux idées étroites ; des gens qui s’expriment sur tout mais ne disent rien ; des guignols nous offrant régulièrement le spectacle de leurs pantalonnades et de leur cynisme décomplexé.

Aujourd’hui, les vraies élites sont dans l’ombre ; elles n’ont pas les plus gros pouvoirs. Enquête après enquête, sondage après sondage, les peuples -qui sentent bien qu’en Occident, on les prend de plus en plus pour des idiots utiles- se défient chaque jour davantage des médias, de la classe politique, et de bien d’autres.

Si on ne peut sombrer dans un « tous pourris » aussi commode que pauvre car sans nuance, le constat éclatant de la baisse de niveau globale se fait jour. Nous aurons l’occasion de reparler de l’inculture généralisée comme fléau de ce siècle.

En attendant, il faut redonner au mot « élite » un sens qui convient à ce qu’il désigne.

Élite : n.f. Toute personne ou tout groupe de personne jouissant d’un pouvoir considérable.

Inutile désormais d’associer à cette notion une culture ou du mérite : c’est globalement faux.