Troisième partie de notre article sur les leçons sociales à tirer après deux ans de port du masque obligatoire. Aujourd’hui, il est temps de dégager la part de responsabilité collective de ce marasme ; et de conclure enfin ce propos.

Depuis la Seconde guerre mondiale, une question fascine de nombreux chercheurs, historiens, et anthropologues : comment fût-ce possible ? Comment certains nazis, qui étaient parfois des maris dévoués, des pères attentifs, des hommes cultivés, ont pu commettre froidement le pire génocide de toute l’Histoire ? Beaucoup ont tenté de donner une explication à cela : des romans, des essais, des articles foisonnent depuis des décennies.
Le procès d’Adolf Eichmann – le logisticien de la Solution finale- fut à cet égard très instructif. Au cours de l’instruction, l’image du boucher sanguinaire s’est estompée petit à petit. Ne restait qu’un petit bureaucrate soucieux de servir aux ordres sans se poser de questions, afin de faire avancer sa carrière. Le capitaine de la Gestapo, Heinrich Müller, présentait aussi le même profil. En fait, beaucoup d’entre les nazis qui étaient éloignés de la réalité des massacres ont permis leur accomplissement par souci de promotion.
C’est ce qu’Hannah Arendt a nommé la « banalité du mal« , dans un essai retentissant et très discuté. Mus par un carriérisme morbide, ces hommes ont abandonné leur « pouvoir de penser » et leur capacité à distinguer le Bien du Mal, laissant ces considérations philosophiques à leurs supérieurs. A cet égard, la conférence de Wannsee en janvier 1942, durant laquelle a été actée la Solution finale, leur a probablement permis de se soulager du poids de leur conscience.
Là encore, quel rapport avec le port du masque ? Nous avons vu que la foi en l’État et la démocratie donne au gouvernement un pouvoir de coercition frisant l’absurde dans le cas du Covid. Notre peur nous fait accorder une confiance aveugle à un groupe d’hommes, et la dilution de responsabilité nous prévient d’être celui ou celle qui arrêtera ces simagrées. Il suffit d’ajouter à cela la suspension du jugement moral qu’entraînent la peur et la foi. Et l’on comprend pourquoi on croise des automobilistes portant le masque alors qu’ils sont seuls dans leur voiture, ou des jeunes gens se soumettant au chiffon d’eux-mêmes dans la rue (alors qu’il n’y est plus obligatoire !).
Nous avons refusé de penser par nous-mêmes ; d’autres le font pour nous. Ces autres ont leur propre agenda et leur propre morale. Ainsi, nous nous réjouirons bêtement de la levée des restrictions sanitaires qui entrera en vigueur le 14 mars prochain. Le port du masque ne sera plus obligatoire : quelle coïncidence formidable, à moins de deux mois d’une élection présidentielle à laquelle concourt le principal responsable de la gestion de la pandémie !
Conclusion : tirons des leçons, et vite
La crise sociale due à la gestion du coronavirus (elle n’est pas due au virus lui-même) nous a offert un impitoyable exemple de gouvernance inhumaine, morbide, anxiogène, aléatoire et absurde. On nous a légalement interdit d’enterrer nos proches pendant plusieurs mois : c’est un déni d’humanité. Nous avons cru à une chose et à son contraire depuis deux ans, sans sourciller. Nous avons fanfaronné en privé, clamé notre ironie, et fermé notre clapet en public. Nous avons écouté avec angoisse le décompte des morts chaque jour dans les médias. Nous nous sommes terrés pendant des mois comme des souris effrayées par un serpent. Nous avons accepté que nos concitoyens deviennent nos flics.
Personne n’est plus coupable qu’un autre individuellement : la faute est collective.
Nous avons été les instruments de notre propre servitude, au nom d’une société fondée sur le principe de précaution. Une société où le transhumanisme pointe son nez : celui qui prétend délivrer l’Homme de la maladie, voire de la mort. Voyez comme c’est joli et naturel, la vie sans maladie et sans mort ! Mais, la maladie et la mort ont de tous temps été les compagnes fidèles de l’Homme. Elles font partie de la vie : comment a-t-on pu l’oublier ?
Nous sommes coupables d’avoir exigé de certains hommes l’impossible : protéger tout le monde, tout le temps. Nous avons cédé à une peur instrumentalisée (voire inoculée) par des entités privées de recul et faillibles : gouvernement, médias, etc. Nous avons cru sans objections. Nous avons sermonné sans regrets notre prochain. Nous avons été paresseux et crédules. Nous avons en fin de compte misérablement incarné notre déchéance occidentale : peurs et angoisses, renoncements, grandes leçons de vertu pérorées à tout bout de champ, incapacité à affronter la réalité.
Et même si le port du masque paraît du bon sens dans certains endroits exigus tels que les transports collectifs, nous avons prouvé que nous étions prêts à beaucoup pour pas grand-chose. De deux choses l’une : ou nous tirons des leçons de cet évènement sans précédent, ou nous continuons de forger nos chaînes en clamant notre liberté et notre vertu.
Sans quoi, nous mériterons d’être bâillonnés ; métaphoriquement, et littéralement.
Vous pouvez découvrir la première et la deuxième partie de cet article !