Macron sur Twitter : des mots employés et de ce qu’ils révèlent

Emmanuel Macron a publié un tweet le 31 octobre dernier. Une énième déclaration lénifiante qui confond la réalité avec ce qu’il souhaite. Pourtant, le Président de la République a cette fois employé (ou validé) des mots dont le choix est révélateur. Décryptage.

Le tweet publié sur le compte @EmmanuelMacron le 31 octobre 2020 (capture d’écran)

« Contrairement à ce que j’ai beaucoup entendu et vu sur les réseaux sociaux ces derniers jours »

La première partie de la première phrase du tweet est intéressante. Le Président de la République -ou ses communicants avec l’aval de celui-ci- y indique en filigrane qu’il a « beaucoup regardé et vu les réseaux sociaux ces derniers jours« .

Cela pourrait apparaître comme un souci légitime que de palper l’opinion publique de plusieurs manières. Les réseaux sociaux étant devenus un lieu privilégié de débat, les opinions s’y expriment très librement. En lisant les contenus des internautes, l’Élysée peut ainsi mieux connaître l’état d’esprit des Français, et de ceux qui parlent de la France à l’étranger. Oui, mais…

Oui, mais les réseaux sociaux sont aussi des égouts à ciel ouvert, notamment Twitter. Ce n’est pas parce que les gens s’y expriment qu’ils ont des idées logiques, intéressantes, ou encore constructives. Est-ce bien au capitaine d’une barque contenant 70 millions de personnes de répondre à chaque déclaration péremptoire ou fantaisiste de 260 caractères ?

Un Président de la République doit garder le cap de la politique qu’il s’est fixé. Il ne peut pas infléchir son action en fonction du moindre commentaire publié sur Facebook ni se justifier auprès de tous. Prendre de la hauteur de vue, être « jupitérien » (puisque c’est le terme qu’il employa en 2017) et digne de sa fonction, c’est aussi savoir assumer ses positions et maintenir le cap.

Les Français peuvent aussi se poser des questions sur l’emploi du temps de leur obligé : lui ou ses communicants ont-ils tellement de temps libre pour scruter toutes les tendances, et tenter d’y répondre ? Ont-ils vent de ce qu’est l’ivresse de l’ego boursouflé par des « likes » sur ses commentaires, ou par la création de sa petite communauté d’idées ? Tous ces phénomènes ont déjà été décrits : les réseaux sociaux stimulent le narcissisme, et exploitent à fond pour cela ce que l’on appelle le biais de confirmation.

C’est pourquoi cette première phrase donne déjà vaguement l’image d’un Président qui va se justifier après avoir traîné sur les réseaux sociaux. Les instagrammeuses en plein buzz font la même chose. C’est déjà moins jupitérien, et l’on s’attend à perdre de la hauteur de vue.

« …notre pays n’a de problème avec aucune religion« 

Imaginons un pays qui ne serait pas soumis aux agressions quotidiennes d’une culture qui utilise une religion comme outil dans sa soif de conquête. Son Président énoncerait subitement dans une allocution le fait que « notre pays n’a pas de problème avec aucune religion« . Ce serait la surprise parmi les journalistes présents, qui ne manqueraient pas de relever un propos incohérent et vide de tout contexte. Ils interrogeraient le Président sur ce propos pour en comprendre le sens.

Mais aujourd’hui, personne n’a interrogé Macron à propos de cette phrase. Car tout le monde sait qu’il y a un problème avec l’Islam. Même de nombreux musulmans le trahissent quotidiennement dans leurs incohérences lexicales ; même les défenseurs de l’Islam le trahissent dans leurs contorsions sémantiques et leurs raisonnements complexes visant à justifier l’injustifiable.

« Notre pays n’a de problème avec aucune religion » : si Emmanuel Macron avait voulu dénoncer l’Islam, il ne s’y serait pas pris autrement. Encore une fois, l’effet Streisand joue à plein ici. Popularisé par Barbra Streisand, qui lui a légué son nom, cet effet désigne un phénomène médiatique au cours duquel la volonté d’empêcher la divulgation d’informations que l’on aimerait garder cachées — qu’il s’agisse de simples rumeurs ou de faits véridiques — déclenche le résultat inverse.

« Elles s’y exercent toutes librement !« 

Convoquant ensuite sans doute la liberté de croyance et la loi de 1905, Macron affirme qu’en France, toutes les religions s’exercent librement. Il ponctue cette phrase d’un point d’exclamation autoritaire et plein d’assurance. Ici, il le sait : il peut fanfaronner. C’est en effet la seule phrase juste de tout le tweet. Aujourd’hui, toutes les religions peuvent s’exercer librement en France.

Certaines ouailles de la religion avec laquelle la France n’a pas de problème sont même particulièrement libres : prières de rue ou appels du muezzin illégaux mais réalisés quand même, appels au meurtre et aux attentats depuis le territoire français, etc.

« Pas de stigmatisation : la France est attachée à la paix et au vivre-ensemble.« 

La dernière phrase du tweet oppose la « stigmatisation » à la fois à la « paix » et « au vivre-ensemble« . Nous avons ici l’emploi de trois mots ou expressions devenus tellement galvaudés qu’il convient de rappeler leur définition vraie. Nous analyserons ensuite leur mise en opposition dans cette phrase.

La stigmatisation est d’après le CNRTL une « accusation sévère et publique, une flétrissure morale portée à l’encontre d’une personne, de ses actes, de sa conduite. »

Le CNRTL, toujours, définit respectivement la paix comme la « situation d’un pays, d’un peuple, d’un état qui n’est pas en guerre« . Cela rejoint la définition que propose Larousse pour le vivre-ensemble : « Cohabitation harmonieuse entre individus ou entre communautés« . L’association des deux termes n’est cependant pas une redondance : l’absence de guerre ne signifie pas forcément qu’il y a harmonie.

Pourquoi n’avoir pas repris ici la définition du CNRTL (tout de même créé par le CNRS) pour « vivre-ensemble » ? Pour la raison montrée ci-dessous :

Comme tout dictionnaire un brin sérieux, le CNRTL ne connaît pas le « vivre-ensemble », un mot composé de la novlangue officielle (capture d’écran).

À l’aune de ces trois définitions, on devine aisément que la stigmatisation ne s’oppose pas systématiquement à la paix. Il est même nécessaire d’y recourir pour éviter la guerre et maintenir la paix. C’est pourquoi avant la Seconde Guerre mondiale, de nombreuses voix se sont élevées pour stigmatiser les velléités expansionnistes du Troisième Reich. Elles n’ont malheureusement pas suffi.

La négation « pas d’amalgame » eût donc été plus judicieuse ; mais même le stagiaire de Quotidien sait à quel point cette expression a été tournée en dérision par ceux qui y voient une incantation creuse détachée de toute réalité. On comprend pourquoi l’Élysée évite cette formule, qui fait désormais sourire.

Conclusion : le sens de ce tweet

Quelques questions pour conclure : sommes-nous vraiment en paix en France, ou notre Président feint-il de ne pas voir que la guerre nous a été déclarée de plusieurs façons ? Tous les habitants du territoire français ont-ils la ferme volonté de « vivre-ensemble » en « paix » ?

Poser la question, c’est y répondre. Si c’était le cas, le locataire de l’Élysée n’aurait jamais produit un tweet pareil.

Ce n’est pas parce qu’on refuse de voir qu’un ennemi vous a déclaré la guerre que l’on n’est pas en guerre.

Ce n’est pas parce que l’on rêve de vivre-ensemble que celui-ci est possible : l’histoire humaine tend même à accréditer l’idée inverse (ce sont des faits, pas des espoirs).

Ce n’est pas parce que l’on dénonce la stigmatisation qu’elle ne joue pas un rôle utile et sain ici ou là, à l’image d’un anticorps qui permettrait de détecter un virus dangereux.

Ce tweet semble donc une incantation chamanique de plus sortie de la besace d’un Président idéologue. Il matérialise un décalage de plus en plus grave entre la réalité et la vision qu’en a notre Président.

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