Le football professionnel, miroir tenace de l’Occident capitaliste

La saison 2021/2022 de foot est lancée ! Sport le plus populaire au monde, le football -sous l’égide de la FIFA- est un produit fidèle de l’Occident : individualiste, terre-à-terre, et peu soucieux d’incarner les valeurs qu’il promeut. La plupart des efforts entrepris poursuivent un but suprême : gagner de l’argent, encore et toujours plus. Zoom sur un produit comme un autre.

Soccer business, football and money (source : iStock)

Avec du recul, le « Coca-gate » de l’Euro 2021 fut une occasion de franche rigolade : une ancienne égérie de KFC et Pepsi qui éloigne d’un revers de la main deux bouteilles de Coca-Cola lors d’une interview fait chuter l’action dudit soda de 4 milliards de dollars. Un geste audacieux quand on sait que la marque est l’un des plus gros sponsors de l’évènement -et, accessoirement, alimente les primes distribuées aux meilleures équipes du tournoi !

Ce genre d’anecdotes est devenu un running-gag du football professionnel. Dans ce monde, plus une chose n’existe pas, plus on en parle et l’on s’en réclame. Le football made in FIFA est ainsi un fidèle reflet de l’Occident, et son produit conforme.

Les apparences d’abord !

Le football donne à voir un monde de guerriers virils, rompus à la gagne. Il n’est pas rare de voir des provocations entre joueurs : menaces, injures, intimidations front contre front, etc. Influenceurs en matière de consommation, ceux-ci accumulent tous les symboles modernes de la virilité : grosses cylindrées, musculature ostentatoire, jolies femmes, etc. Une image virile et narcissique grossière, construite à grand renfort de posts sur les réseaux sociaux. Quel contraste avec leur goût pour les plongeons en Mondovision ! Alors que les innombrables ralentis démontrent bien souvent l’arnaque, ils protestent encore pour glaner qui un coup-franc, qui un penalty… Neymar par exemple, survivrait-il à des tacles des années 80, lui dont les cris horribles font penser à une grave blessure à chaque contact ?

Ce simulacre de virilité est une véritable tartufferie. Monde littéral (mais pas littéraire) par excellence, le football cultive la virilité physique, mais ignore la virilité mentale (loyauté, intégrité, honneur, résilience). Les velléités combatives des joueurs évoquent les disputes de cours de récréation, lorsque les enfants sont étroitement surveillés par des adultes (incarnés sur le terrain par les arbitres et les sponsors soucieux de leur image) et ne risquent en aucun cas de se faire mal. En fait, ils sont prêts à tout pour gagner : mais à vaincre sans péril, triomphe-t-on sans gloire ? Au vu des enjeux financiers, la fin justifie les moyens ! Vues des années 80, leurs bisbilles mort-nées feraient passer Maradona pour un combattant de MMA.

Un monde tatillon et allergique au risque

Un autre aspect remarquable du football professionnel moderne est l’interventionnisme écrasant de ses instances dirigeantes, à l’instar d’une société extrêmement judiciarisée. Cela distingue le monde du ballon rond de bien d’autres sports autrement plus virils : à défaut de saisir l’esprit des règlements pour les appliquer avec bon sens, ce monde les applique à la lettre, de façon craintive et tatillonne. Les buts annulés par la VAR pour des hors-jeu douteux évoquent les dysfonctionnements de la justice française. Souvenez-vous par exemple de cet homme suspecté de meurtre et relâché, faute… d’encre dans un fax !

L’arbitre apeuré à l’idée de la moindre erreur est semblable à l’État français : allergique au risque et redoutant les représailles. L’un se prémunit de la FIFA et des sponsors qui arrosent ce sport de billets, l’autre des instances européennes et des poursuites judiciaires. Résultat : des cassures de rythme agaçantes d’un côté, une gestion politique idéologue de l’autre… et des responsables déchargés de l’essence même de leur fonction dans les deux cas ! Les vrais décideurs ne sont pas ceux qui vous sont présentés : vous avez dit « hypocrisie » ?

Valeurs, respect, morale : faites ce que je dis, pas ce que je fais !

Heureusement, le foot made in FIFA est un acteur de la lutte contre le racisme (campagne « Say no to racism« ), pour la justice sociale (le désormais rituel genou à terre avant chaque match), contre le réchauffement climatique (le partenariat de la LFP avec WWF), contre l’homophobie (le nouveau maillot d’Everton en témoigne). Bref, de José Mourinho à Kylian Mbappé, tout ce petit monde soutient toutes les causes à la mode, et revendique une éclatante vertu sociale. Nonobstant la nature violente de l’Homme, que corrobore l’Histoire ancienne et actuelle, le football -comme l’Occident- croit que le monde est doux, bienveillant, et qu’il y a partout des jets privés, des petits fours et du champagne. En un mot : il est progressiste et bien-pensant.

La suite du paragraphe sera extrêmement courte : la Coupe du Monde 2022 aura lieu au Qatar. Vous avez bien lu : au Qatar. Un pays pas vraiment connu pour ses engagements progressistes, et qui a obtenu d’accueillir l’évènement dans des conditions plus que douteuses, n’ayant que peu à voir avec l’éthique ou la morale (voir l’article « Les footballeurs, l’indignation et le Qatar »). Tout ce petit microcosme va donc allègrement fouler aux pieds les valeurs dont il chante les bienfaits en toute occasion. Comme bon nombre de leaders occidentaux qui exaltent le vivre-ensemble chez les autres mais s’en prémunissent pour eux-mêmes, comment croire ces personnes lorsqu’elles s’adonnent à des leçons de morale ?

Le règne de l’apparence, l’aspect pointilleux dénué de bon sens, l’hypocrisie : trois aspects du football, trois miroirs de la société occidentale en général, et française en particulier. Arrive ainsi la question ultime : y a-t-il une raison qui explique ces points de similitude ?

L’argent, encore et toujours !

« Il » tire les ficelles dans l’ombre ; « il » est la toile de fond de cet article. « Il », c’est le Dieu occidental. « Il », c’est l’Argent, le capitalisme exacerbé, poussé à son paroxysme le plus absurde.

Le fric est le Dieu central du football professionnel et de la FIFA. Le football n’est que le prétexte du foot business ! Perdu au milieu des panneaux publicitaires scintillants, le rectangle vert n’est plus désormais que le prétexte à un gigantesque matraquage publicitaire et commercial. C’est en son nom que l’on excuse probablement le Qatar, l’hypocrisie, l’individualisme comme valeur suprême, l’avarice de David Beckham, que l’on multiplie les tournois, et bien d’autres choses.

« Tout s’achète. L’amour, l’art, la planète Terre, vous, moi. Surtout moi. »

Octave Parango, 99F

Comme dans la vie quotidienne, les marques et annonceurs maintiennent un enthousiasme mou mais permanent autour du sport pour vendre leurs produits. Leurs messages sont d’autant plus efficaces qu’ils sont répétés quotidiennement et visent des masses d’individus formatés dans une société atomisée, sans repères ni transcendance. Nous sommes ainsi plus vulnérables aux injonctions d’achat multiples ! Le capitalisme laisse ainsi sa poétique trace dans l’Histoire à travers la pratique du « naming » : Signal Iduna Park, stade Matmut Atlantique, Ligue 1 Uber Eats, etc.

Ronaldo dégage du Coca-Cola de l’objectif des caméras ? La marque pourrait s’énerver. Mais Cristiano Ronaldo draine une masse impressionnante de fans et de followers, et Coca le sait : Coca est muselé ! Semblable aux Hébreux devant le Veau d’or, l’Occident -et l’une de ses plus belles productions, à savoir le football professionnel- vend tout pour une poignée de dollars : les hommes, les valeurs, les mots, les actes. Serait-ce là tout notre horizon ?

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