Les footballeurs-justiciers sortent de leurs gonds pour un adjectif désignant une couleur par manque de culture, mais iront jouer la Coupe du monde de football au Qatar en 2022. Au pays du ballon rond, l’indignation est sélective…

Le « scandale » du match PSG-Basaksehir
Inutile de rappeler ici les faits survenus mardi soir. Drapés dans leur indignation mâtinée d’ignorance crasse, des millionnaires en short ont vu du racisme dans le mot roumain « negru », qui signifie simplement « noir ». Dorénavant, il sera compliqué de désigner le seul M&M’s bleu d’un paquet de bonbons. En effet, le dénommé Pierre Webo, désigné par l’adjectif susmentionné, était le seul homme noir sur le banc, et c’est lui que l’arbitre désignait… Mais d’après nos Martin Luther King en culotte courte, il aurait fallu faire une périphrase à rallonge pendant un match de football pour le désigner rapidement et lui dire d’arrêter ses simagrées.
Côté footballeurs, nous sommes tranquilles : ils sont intransigeants et ne laisseront pas passer la moindre injustice. Une bonne nouvelle alors que la Coupe du monde se profile au Qatar en 2022 !
Le Qatar, ce pays formidable
En effet, le Qatar offre de sérieuses raisons de s’indigner, de boycotter la Coupe du monde, de remuer ciel et terre pour empêcher des marques de sponsoriser l’évènement, de lutter contre le racisme, l’homophobie et l’esclavage, de défendre l’écologie, etc.
Rappelons les faits : après avoir acheté l’organisation de la grand-messe footballistique à coups de pots-de-vin, le pays du Golfe a utilisé ses esclaves pour construire rapidement les stades nécessaires.
Des esclaves ? Oui, si l’on considère qu’une fois entré dans le pays, votre employeur peut confisquer votre passeport et vous faire travailler dans des conditions inhumaines, parfois en ne versant aucun salaire. Et si les règles ont été assouplies, des centaines de milliers d’étrangers sont encore tenus emprisonnés là-bas. Ceux qui construisent les stades, eux, meurent par milliers (entre 1 300 et 4 000 environ). Disons qu’on passe sur l’esclavage.
Et l’homophobie ? Le Qatar est un pays où l’on peut tuer des homosexuels juste parce qu’ils le sont. De quoi émouvoir les autorités du foot anglais par exemple, promptes à lutter contre les propos homophobes tenus pendant les matchs du championnat anglais ? Pour l’instant, aucune instance dirigeante ne s’est faite entendre sur le sujet. Admettons.
Et l’environnement ? La Ligue de football professionnel (LFP) y est sensible, elle qui a conclu un partenariat en 2019 avec l’ONG WWF, consacré à la protection de l’environnement. Objectifs : sensibiliser à la fois le public et les joueurs mais aussi réduire l’empreinte environnementale des clubs. Feront-ils haro sur le coût environnemental de ces stades qataris, dont certains seront climatisés, et qui ont peu de chances de servir après la Coupe du monde (une belle quantité de matériaux pour un mois !) ? Nous n’en doutons pas !
OK, le racisme et la xénophobie alors ? Le Qatar, pays dont le soft-power passe aussi par une victimisation permanente de l’Oumma à travers le monde, est un champion de la discrimination fondée sur le faciès ou la nationalité. Malgré quelques recherches, impossible de trouver le plus petit début de protestation de Demba Ba, le joueur à l’origine du scandale PSG-Basaksehir… Zut alors !
Mettons de côté les droits des femmes, qui ne sont finalement que des citoyens de seconde classe dans ce pays formidable qu’est le Qatar : oublions les graves entorses à la liberté d’expression.
Le Qatar donne des leçons et envoie de la poudre aux yeux sur tous les sujets : personne ne voit rien car, vous comprenez, les billets qui pleuvent bouchent le champ de vision. Monument d’hypocrisie et de violence, le minuscule pays n’est pourtant pas la cible du collectif Sleeping giants, très efficace pour forcer des marques à ne plus financer les propos d’Éric Zemmour. Eux non plus ne doivent pas connaître ce petit sport émergent qu’est le football.
Heureusement, il y a les joueurs du PSG et Demba Ba. Les Qataris n’ont qu’à bien se tenir : les soldats du monde meilleur ne lâchent rien (surtout pas les billets).
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