Haro sur le boycott : la 22ème édition de la grand-messe du football mondialisé pourrait nous enseigner quelques leçons fondamentales… Qui l’eût cru ?

Cela n’aura échappé à personne : la Coupe du monde de football 2022 n’avait pas encore débuté qu’elle faisait l’objet de nombreuses polémiques. Les annonces de boycott se sont multipliées, et les indignés de tout poil sont d’accord sur un point : nos valeurs ne sont pas à vendre pour quelques pétrodollars et un ballon.
Les critiques visant le petit émirat ne sont pas surprenantes : elles se multiplient depuis que Doha a obtenu l’organisation de cette Coupe du monde il y a 12 ans. Ce qui étonne, en revanche, c’est la façon dont les buzz se muent de façon insoupçonnée en véritables leçons de réalisme et de lucidité.
Nous avons encore des valeurs
D’abord, l’État, via certaines municipalités, retrouve quelque peu le sens de la responsabilité. En effet, plusieurs villes françaises ont décidé de se joindre au boycott : pas d’écran géant ni de fanzones dans les lieux publics. Une bonne nouvelle pour les comptes publics, qui devraient servir à des choses plus urgentes que la diffusion de matchs de football ou la création de bars éphémères.
Nous assistons aussi subitement à l’émergence de valeurs qu’on croyait relatives ou disparues, et qui l’emportent même sur la fête et la jouissance permanentes. Nous n’allons pas encore jusqu’à nous battre pour elles et à les sanctuariser au quotidien, mais c’est un bon début. Le quasi-esclavage des ouvriers morts durant la construction des stades, le gâchis écologique, la compromission des valeurs universalistes nous heurtent, prouvant ainsi qu’il est encore possible de s’extirper de l’état léthargique et hédoniste qui est celui habituel d’Homo festivus pour défendre un idéal plus grand.
L’affaire du brassard LGBT que ne portera pas Hugo Lloris est emblématique de ce réveil : un grand nombre d’internautes ont soudainement érigé la tolérance et l’universalisme en vertus cardinales avec lesquelles on ne peut pas transiger. Personne n’a été dupe des propos du gardien de l’équipe de France, lorsqu’il affirme qu’on demande simplement aux joueurs de « jouer au football« . Si le football FIFA n’était qu’un sport détaché de la politique, il n’y aurait ni drapeaux de l’Ukraine lors des retransmissions de matchs, ni genoux au sol en signe d’allégeance à Black Lives Matter. Du coup, Lloris a défendu sa compromission position en invoquant… le respect des lois et moeurs du pays hôte. Intéressant !
Nous savons encore réfléchir…
On n’y croyait plus : les occidentaux connaissent toujours l’importance de l’intégration et du respect des coutumes d’un pays qui vous accueille ! Nous, les champions des accommodements déraisonnables et de la compromission douteuse lorsqu’il s’agit de faire respecter nos moeurs et appliquer nos lois par des étrangers, sommes devenus des thuriféraires de l’intégration lorsque nous nous rendons dans d’autres pays.
Sur BFM TV, dans les fils de discussion Facebook, on peut lire des propos affirmant que « nous devons respecter leur culture et les règles qu’ils établissent« , ou que « personne ne trouve à redire par respect aux règles d’hospitalité en premier et aux lois imposées par chaque pays » (sic). Les commentaires et témoignages abondent, qui vont dans le sens d’un réveil salutaire ! Prochaine étape : l’appliquer chez nous.

Enfin, on profite de cette Coupe du monde pour démasquer l’imposture de l’appropriation culturelle ! Lorsque le président de la FIFA Gianni Infantino donne une conférence de presse surréaliste où il explique se sentir « gay« , « migrant« , « arabe« , personne n’a moufté. Il a bien été accusé de « pink washing« , mais c’est à peu près tout.
On peut en tirer une leçon : nous n’aimons l’appropriation culturelle que lorsqu’il s’agit de battre notre coulpe. Son but réel est d’affaiblir la civilisation occidentale, puisqu’elle disparaît lorsqu’elle vise à défendre l’indéfendable venant de l’Autre. Nous sommes à deux doigts de comprendre l’ampleur de cette arnaque rhétorique, et c’est là aussi une bonne nouvelle !
… mais notre Dieu est un tyran
La dernière leçon est très importante, puisqu’elle concerne notre misérable religion, centrée autour du Dieu Argent. L’argent explique plusieurs choses : la relativisation de certaines pseudo-valeurs, l’hémiplégie de la pensée (je ne dénonce pas quand il est question de gros sous), les compromissions, la rhétorique biscornue, la cécité écologique (on râle mais on y va et on diffuse les matchs quand même), etc.

Soyons honnêtes : je comprends le mépris du Qatar et d’une partie du monde musulman à l’endroit des Occidentaux lorsque je vois notre façon d’agir dès lors qu’il y a de l’argent à gagner. Les revirements et mensonges de l’émirat fonctionnent, car ils sont de puissants investisseurs dans nos pays et graissent la patte de notre personnel politique (lire l’édifiant livre « Nos très chers émirs » des journalistes Christian Chesnot et Georges Malbrunot). Ils font trop aisément pardonner leurs manquements en signant quelques chèques. Je comprends l’absence de respect pour une civilisation dont la dignité, la fierté et les valeurs s’achètent.
Espérons maintenant que nous saurons retenir ces leçons et appliquer ces enseignements hors du festival économico-festif qu’est la Coupe du monde !
Intéressant merci Louis. Finalement, avons-nous une idée de combien de villes et bistrots qui ont annoncé boycotter ont finalement des écrans et de la clientèle lors des matchs?