Gifleur de Macron : du crime de lèse-majesté en France

La Cour d’appel de Grenoble a confirmé hier les peines prononcées à l’encontre du gifleur d’Emmanuel Macron, Damien Tarel. La justice peut donc être sévère et exemplaire en France.

Capture d’écran BFM TV.

Privation des droits civiques, interdiction de détenir ou de porter une arme et interdiction d’exercer dans la fonction publique confirmées : Damien Tarel n’aura pas eu gain de cause. Celui qui avait giflé le président de la République le 8 juin 2021 avait été condamné deux jours plus tard à 18 mois de prison, dont 14 avec sursis (avec mandat de dépôt, preuve de la dangerosité de l’individu !).

Un acte contre-productif

Mettons les points sur les « i » : je ne cautionne pas du tout l’acte de M. Tarel, quand bien même je partagerais ses motivations. Loin de faire consensus, la gifle a indigné l’ensemble de la classe politique, notre personnel politicien demandant des sanctions exemplaires et se montrant subitement capable de percevoir la puissance des symboles (quand elle ne voit que des « faits divers isolés » par ailleurs). Pour isoler ou affaiblir Macron, il y a mieux.

De plus, Damien Tarel avait « reconnu » (AFP) son ancrage à la droite de l’échiquier politique, et a donné par son geste une piètre image de son courant de pensée. On note d’ailleurs la terminologie étrange de l’AFP dans le Figaro du jour : on « reconnaît » une faute, pas une appartenance politique. Être à droite serait donc une faute politique ou citoyenne ?

Si son crime de lèse-majesté s’est avéré plutôt stérile en soi, ses conséquences sont elles extrêmement instructives cependant.

Les leçons de la gifle

On peut en effet tirer deux enseignements majeurs du « Gifle-gate ».

Premièrement, et contrairement à ce que serinent des esprits chagrins, la justice sait encore être rapide, efficace et ferme en France. On regrettera seulement que ces vertus ne s’appliquent qu’à l’autorité suprême de la démocratie et à ses affidés, et non pas à celui qui est le « démos » de la démocratie : le peuple lui-même.

Les Français qui divorcent passent 7 a 26 mois à régler leur séparation en justice ; des criminels sous l’emprise de stupéfiants sont relaxés ou échappent à l’emprisonnement car la jurisprudence invoque l’irresponsabilité pénale là où elle voyait auparavant des circonstances aggravantes ; les cas se multiplient où les auteurs présumés ne sont pas poursuivis en raison de vices de procédure, de manque de preuves, voire d’absence d’interpellations (on se souvient notamment des attaques de commissariats au cocktail Molotov), renforçant ainsi le « sentiment d’insécurité » de Francais pour lesquels jamais un sentiment n’a été aussi palpable.

Deuxième enseignement majeur : Emmanuel Macron, qui connaît bien les mots, ne les utilise toujours pas pour décrire le réel, mais pour façonner une vision du monde pétrie d’une idéologie foutraque et variable au gré des circonstances.

Ainsi, notre président a subitement montré les crocs face à la violence, lorsque celle-ci s’est manifestée physiquement à lui. Il a ainsi qualifié M. Tarel « d’individu ultraviolent« .

Les 75% de Français qui jugent « négatifs » le bilan de Macron en matière d’insécurité (Le JDD du 20/08/22) et les 500 victimes quotidiennes de vols avec violence apprécieront sans aucun doute cette fermeté. Souhaitons qu’elle s’applique un jour avec équité !

Faux militants écologistes, vrais vandales : le nihilisme en action

Loin de faire consensus dans l’opinion publique, le buzz recherché par certains militants et mouvements auto-proclamés « écologistes » est une insulte à la logique, à l’art, voire à la vie en société.

Tweet du compte « Letzte Generation » relayant la dégradation d’un tableau de Monet.

Demi-finale hommes interrompue à Roland-Garros, tableaux célèbres maculés de nourriture, véhicules dégradés, blocages de lieux publics ou d’autoroutes, opéra interrompu… Tout le monde a entendu parler de ces actions coup-de-poing survenues en 2022, actions dont la pertinence et l’impact sont inversement proportionnels à l’écho médiatique qui leur est complaisamment offert. On ne peut pas en vouloir totalement à ces militants, à qui l’on serine que l’éco-anxiété -la trouille du lendemain- est le signe d’un esprit sain. Consacrer une peur en vertu, le témoin d’une société malade ?

Où que ce soit, la rhétorique de ces militants et leurs modes d’action présentent des similitudes révélatrices.

L’eschatologie de la planète…

Ce qui frappe d’abord le citoyen, c’est la prégnance d’une vision apocalyptique du monde érigée en dogme inébranlable et indiscutable. Un rapport du GIEC donne 3 ans pour ralentir le réchauffement climatique et effectuer la transition énergétique souhaitable ? Et voici Alizée, 22 ans, persuadée que nous allons tous mourir dans 1 028 jours, qui interrompt la demi-finale hommes de Roland-Garros.

Les militants allemands qui ont tenté de vandaliser un tableau de Monet évoquent eux des énergies fossiles qui « nous tuent tous« . Soit ils y croient littéralement, mais paraissent curieusement bien vivants au moment de commettre leur acte étrange ; soit ils ont une pensée plus nuancée et affichent un discours irresponsable, car angoissant et culpabilisant.

L’absence de futur et la fin du monde constituent, à les entendre, le seul horizon de ces militants, qui appartiennent à des mouvements au nom souvent éloquent : « Dernière Génération », « Extinction Rébellion », « Dernière Rénovation », etc. S’il n’est pas question de nier le réchauffement climatique, ils déforment cette idée en vision délirante dans laquelle ils s’assurent le rôle du héros clairvoyant qui lutte pour sauver toute l’espèce d’une mort certaine. Une façon comme une autre de trouver un sens à sa vie, bien que celle-ci soit nuisible à la société.

… pour masquer l’indigence

Nuisible, oui ; car ces actions, qui sont à la portée du premier gogo un peu crédule, frappent par leur indigence. Qui peut croire en effet que cela permet de lutter efficacement contre la dégradation de l’environnement ? Comment tant de jeunesse, force vive s’il en est, peut-elle se perdre dans ce type de manifestations ?

Ils pourraient étudier pour rejoindre des équipes de chercheurs occupés à dépolluer les océans, à nettoyer la terre, à produire des matériaux biodégradables ; ils pourraient s’organiser pour ramasser des déchets comme le font régulièrement des milliers de bénévoles ; il y a tant de choses à accomplir, c’est vrai ! Cela leur permettrait d’agir réellement et de convertir ainsi leur préoccupation -assez partagée au sein de la population finalement- en projets utiles.

Mais ceux qui bloquent les autoroutes ou saccagent des véhicules privés allient l’indigence de l’acte à celle de leur rhétorique. La Joconde entartée ? L’entarteur demande : « Tous les artistes, pensez à la Terre. C’est pour ça que j’ai fait ça. » Relisez bien : il n’y a AUCUN rapport de causalité, mais une injonction visant à faire plier les artistes, sommés de dépeindre uniquement la mort de la planète et de l’espèce humaine (dans quel type de régime met-on le monde culturel au pas, déjà ?). À Londres, les militants qui ont lancé de la soupe de tomates sur le tableau « Les Tournesols » de Van Gogh ont justifié leur acte en expliquant que « la vie quotidienne est devenue inabordable pour des millions de familles qui ont froid et faim – elles n’ont même pas les moyens de s’acheter une boîte de soupe« . Gâcher de la nourriture pour en dénoncer le manque, n’est-ce pas là le degré zéro du raisonnement ?

Mauvais exemples

En fin de compte, ces actions de « désobéissance civile » -sémantique flatteuse qui permet de se rêver en éternel rebelle- sont contre-productives pour plusieurs raisons. D’abord, nous avons affaire à des personnes qui exigent des modifications de comportement de tous, mais ne pratiquent pas ce qu’elles prêchent. Ils parlent décroissance et sobriété, mais utilisent des smartphones bourrés de minerais rares pour relayer leurs actions et des matériaux polluants : bombes de peinture, colorants, etc. On repense aussi aux innombrables déchets abandonnés sur place après chaque manifestation, nécessitant l’intervention d’équipes techniques qui utilisent… des produits chimiques et des poids lourds. Finalement, le remède semble parfois pire que le mal.

De plus, les actions de ce type n’ont que peu de chances d’emporter l’adhésion de l’opinion publique (au-delà du microcosme de post-adolescents partageant les mêmes névroses et qui ont en commun de ne pas envisager de travailler plus dur pour mieux servir leur cause). Et ce, pour une raison simple : c’est au public qu’elles s’en prennent. Comment voulez-vous être écoutés si vous abîmez les oeuvres d’art aimées par le public, si vous tentez d’intimider, si vous retardez pendant des heures des milliers de personnes, si vous vous en prenez à leurs biens et à leur argent ? Vous obtiendrez au mieux le silence en imposant la terreur ; mais vous n’aurez jamais l’assentiment ou le respect.

Un autre élément qui aurait dû alarmer ces jeunes militants du chaos est le soutien que leur a apporté Sandrine Rousseau. Dans un tweet du 15 octobre, la commissaire politique du barbecue et de la chambre à coucher a écrit à propos du jet de soupe sur un Monet que « l’action de ces jeunes avec de la soupe est hyper intéressante parce que très dérangeante. La colère monte chez les jeunes contre l’inaction climatique. Et ils ont raison d’être en colère. Vraiment. »

Tout le monde devrait pourtant le savoir : lorsque Sandrine Rousseau soutient ce que vous dites et faites, c’est que vous vous êtes égarés. « Vraiment » !

Législatives : discréditer un candidat pour les nuls

Les candidats sans parti sont plus vulnérables face à un appareil politico-médiatique qui goûte visiblement fort peu les profils atypiques, les trublions, ou tout simplement… l’indépendance d’esprit.Exemple en Ariège.

Affiche de campagne de Yann de Kerimel et Muriel Capdeville.

Qui est Yann de Kerimel, candidat malheureux aux élections législatives en Ariège ? Un conservateur ? Un peu, sans doute. Par exemple, il tient la famille pour un socle de la société et de l’instruction des enfants, et a manifesté avec la Manif pour tous. Mais il n’est pas un libéral absolu. En matière d’économie, il prône un protectionnisme mesuré pour lutter contre la dépendance alimentaire, et aussi pour revenir à une consommation plus locale. Écolo, donc ? Un peu aussi. Anarchiste ? Non, ce qui ne l’a pas empêché de manifester contre des dérives qu’il a jugées liberticides lors de la crise du Covid. Il a aussi cru à certaines revendications des Gilets jaunes : cela fait-il de lui un gaucho ou un droitard ? La réponse est sans doute autre.

Élu à la chambre d’Agriculture (il est éleveur) et candidat malheureux aux législatives (2,86% dans sa circonscription), Yann croit en l’action politique ; toutefois, il a remarqué le goût de l’État pour un mille-feuilles administratif souvent peu utile, et systématiquement très onéreux. Il n’est pas un révolutionnaire, mais il n’est pas non plus le gardien sévère du vieil ordre. Il est inclassable.

Les candidats indépendants : David contre Goliath

En fait, la vision de Yann est complexe et se nourrit de ses expériences, de ses discussions, et des caractéristiques de son pays rural et paysan. Soucieux d’améliorer le sort de ses concitoyens, il s’est jeté dans le bain des législatives, sur les terres du député LFI Michel Larive. Comme David contre Goliath, il a voulu affronter les gros, et sans grande connaissance des codes médiatiques.

Par sympathie, j’ai aidé Yann à mettre en forme ses éléments de langage il y a quelques semaines. J’ai découvert son système de pensée atypique mais cohérent. Quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre que j’avais côtoyé un séide de Satan lui-même !

Le label « extrême-droite », une valeur sûre !

Capture d’écran francebleu.fr : Yann de Kerimel est étiqueté « Divers extrême droite »… grâce à la Préfecture.

Eh oui : Yann ose dénoncer le clientélisme en politique, veut plafonner le salaire des élus et obliger les députés à être présents un minimum de temps à l’Assemblée nationale. En plus, il souhaite que les traités européens ne portent pas préjudice aux agriculteurs français (europhobie ?). Enfin, il veut mettre fin au financement public des partis politiques, syndicats, et autres lobbies communautaristes. Peu importe le reste de son programme : la Préfecture s’est sans doute arrêté à ces aspects. Alors, elle l’a étiqueté « Divers extrême-droite », et le ministère de l’Intérieur a relayé cette information, sur laquelle se sont fondés les médias.

Dans le système politico-médiatique actuel, l’appellation « extrême-droite » fait de vous un infréquentable : le bruit des bottes résonne déjà. Ce genre d’épithète impressionne encore une bonne partie de la population : on l’a encore vu lors de l’élection présidentielle, où Emmanuel Macron n’a même pas eu à proposer d’autre programme que « faire barrage à l’extrême-droite » pour rafler la mise.

Alors, Yann a protesté. Il a appelé la Préfecture et leur a signalé que cette étiquette ne correspondait pas à son programme (un espèce de patchwork idéologique empruntant aussi bien à Mélenchon qu’à Le Pen ou Macron). Le chef de cabinet, auteur de la nuance problématique, a répondu avoir trouvé ça « extrême-droite », sans autres explications. Après un entretien de 45 minutes avec Yann, il a validé la nuance « Divers » et a  envoyé un communiqué aux médias le 25 mai pour les informer. Mais le mal était fait : seuls deux médias locaux [1] en ont parlé, et le site ministériel n’a été mis à jour que le… 7 juin !

Mail de protestation envoyé à la Préfecture le 2 juin par Yann de Kerimel.

Des médias idéologues aux ordres

Yann a ensuite fait la tournée des médias, autant qu’il pouvait avec ses petits moyens. Et c’est le journal régional La Dépêche qui s’est distingué. Après l’avori étiqueté « Divers » [2], ils effectuent un virage à 180° le dernier jour de campagne et le qualifient de candidat d’extrême-droite dans un article [3]. De quoi frapper l’opinion publique juste avant le scrutin (l’Ariège a voté majoritairement LFI à l’élection présidentielle), et le priver de tout droit de réponse, puisque la campagne était terminée le jour même à minuit. Pris par le sprint final, le candidat malheureux ne saura pas le pourquoi de ce timing étrange. Il contacte la rédaction qui se fend d’un minuscule encart dans l’édition du 11 juin. Un peu tard !

Capture d’écran La Dépêche du 10 juin 2022.

Cet article n’est pas un dithyrambe en faveur d’un candidat à la députation : j’ai aidé Yann par sympathie et il a perdu. Cela m’a permis de partager son aventure individuelle et l’enthousiasme de quelqu’un qui croit encore à la politique, quand j’en suis moi-même devenu blasé.

Cela m’a permis aussi de voir comment on peut discréditer un candidat qui propose des idées au moins originales : il suffit qu’une autorité accolle à son nom les deux mots du Mal absolu. Je ne connais pas les raisons qui ont poussé les électeurs à voter ou à ne pas voter pour Yann : mais j’ai à nouveau vu dans cet épisode le pouvoir de nuisance, le manque d’arguments et l’hypocrisie (ou pire : l’inconséquence) de ceux qui conditionnent l’opinion publique.

Pour ceux qui aiment se faire leur propre avis sans qu’on le leur dicte : le programme de Yann est lisible sur son site www.kerimel2022.fr: à vous de voir si on parle de la Bête !

[1] https://gazette-ariegeoise.fr/legislatives-2022-le-candidat-yann-de-kerimel-obtient-la-rectification-de-sa-nuance-politique/

[2] https://www.ladepeche.fr/2022/05/20/legislatives-2022-en-ariege-decouvrez-les-noms-des-candidats-de-votre-circonscription-10307573.php

[3] Capture d’écran La Dépêche du 10 juin 2022

Le port du masque, impitoyable révélateur de la nature humaine (3/3) : refuser de penser par soi-même est une faute !

Troisième partie de notre article sur les leçons sociales à tirer après deux ans de port du masque obligatoire. Aujourd’hui, il est temps de dégager la part de responsabilité collective de ce marasme ; et de conclure enfin ce propos.

Photo personnelle.

Depuis la Seconde guerre mondiale, une question fascine de nombreux chercheurs, historiens, et anthropologues : comment fût-ce possible ? Comment certains nazis, qui étaient parfois des maris dévoués, des pères attentifs, des hommes cultivés, ont pu commettre froidement le pire génocide de toute l’Histoire ? Beaucoup ont tenté de donner une explication à cela : des romans, des essais, des articles foisonnent depuis des décennies.

Le procès d’Adolf Eichmann – le logisticien de la Solution finale- fut à cet égard très instructif. Au cours de l’instruction, l’image du boucher sanguinaire s’est estompée petit à petit. Ne restait qu’un petit bureaucrate soucieux de servir aux ordres sans se poser de questions, afin de faire avancer sa carrière. Le capitaine de la Gestapo, Heinrich Müller, présentait aussi le même profil. En fait, beaucoup d’entre les nazis qui étaient éloignés de la réalité des massacres ont permis leur accomplissement par souci de promotion.

C’est ce qu’Hannah Arendt a nommé la « banalité du mal« , dans un essai retentissant et très discuté. Mus par un carriérisme morbide, ces hommes ont abandonné leur « pouvoir de penser » et leur capacité à distinguer le Bien du Mal, laissant ces considérations philosophiques à leurs supérieurs. A cet égard, la conférence de Wannsee en janvier 1942, durant laquelle a été actée la Solution finale, leur a probablement permis de se soulager du poids de leur conscience.

Là encore, quel rapport avec le port du masque ? Nous avons vu que la foi en l’État et la démocratie donne au gouvernement un pouvoir de coercition frisant l’absurde dans le cas du Covid. Notre peur nous fait accorder une confiance aveugle à un groupe d’hommes, et la dilution de responsabilité nous prévient d’être celui ou celle qui arrêtera ces simagrées. Il suffit d’ajouter à cela la suspension du jugement moral qu’entraînent la peur et la foi. Et l’on comprend pourquoi on croise des automobilistes portant le masque alors qu’ils sont seuls dans leur voiture, ou des jeunes gens se soumettant au chiffon d’eux-mêmes dans la rue (alors qu’il n’y est plus obligatoire !).

Nous avons refusé de penser par nous-mêmes ; d’autres le font pour nous. Ces autres ont leur propre agenda et leur propre morale. Ainsi, nous nous réjouirons bêtement de la levée des restrictions sanitaires qui entrera en vigueur le 14 mars prochain. Le port du masque ne sera plus obligatoire : quelle coïncidence formidable, à moins de deux mois d’une élection présidentielle à laquelle concourt le principal responsable de la gestion de la pandémie !

Conclusion : tirons des leçons, et vite

La crise sociale due à la gestion du coronavirus (elle n’est pas due au virus lui-même) nous a offert un impitoyable exemple de gouvernance inhumaine, morbide, anxiogène, aléatoire et absurde. On nous a légalement interdit d’enterrer nos proches pendant plusieurs mois : c’est un déni d’humanité. Nous avons cru à une chose et à son contraire depuis deux ans, sans sourciller. Nous avons fanfaronné en privé, clamé notre ironie, et fermé notre clapet en public. Nous avons écouté avec angoisse le décompte des morts chaque jour dans les médias. Nous nous sommes terrés pendant des mois comme des souris effrayées par un serpent. Nous avons accepté que nos concitoyens deviennent nos flics.

Personne n’est plus coupable qu’un autre individuellement : la faute est collective.

Nous avons été les instruments de notre propre servitude, au nom d’une société fondée sur le principe de précaution. Une société où le transhumanisme pointe son nez : celui qui prétend délivrer l’Homme de la maladie, voire de la mort. Voyez comme c’est joli et naturel, la vie sans maladie et sans mort ! Mais, la maladie et la mort ont de tous temps été les compagnes fidèles de l’Homme. Elles font partie de la vie : comment a-t-on pu l’oublier ?

Nous sommes coupables d’avoir exigé de certains hommes l’impossible : protéger tout le monde, tout le temps. Nous avons cédé à une peur instrumentalisée (voire inoculée) par des entités privées de recul et faillibles : gouvernement, médias, etc. Nous avons cru sans objections. Nous avons sermonné sans regrets notre prochain. Nous avons été paresseux et crédules. Nous avons en fin de compte misérablement incarné notre déchéance occidentale : peurs et angoisses, renoncements, grandes leçons de vertu pérorées à tout bout de champ, incapacité à affronter la réalité.

Et même si le port du masque paraît du bon sens dans certains endroits exigus tels que les transports collectifs, nous avons prouvé que nous étions prêts à beaucoup pour pas grand-chose. De deux choses l’une : ou nous tirons des leçons de cet évènement sans précédent, ou nous continuons de forger nos chaînes en clamant notre liberté et notre vertu.

Sans quoi, nous mériterons d’être bâillonnés ; métaphoriquement, et littéralement.

Vous pouvez découvrir la première et la deuxième partie de cet article !

Le port du masque, impitoyable révélateur de la nature humaine (2/3) : le mystérieux « ils » et les origines de son inquiétant pouvoir

Deuxième partie de notre article sur les leçons sociales à tirer après deux ans de port du masque obligatoire. Aujourd’hui, nous nous penchons sur les origines du pouvoir de coercition de ceux qui l’ont imposé.

Avant, lorsqu’une personne expliquait sérieusement que la Terre est plate, on riait un bon coup et on passait à des choses plus sérieuses. Aujourd’hui, cette personne peut trouver sur Twitter 20 millions de types d’accord avec lui. La force du nombre fait autorité, et paraît vous obliger à considérer le propos (ils sont beaucoup à le penser, tout de même ; y aurait-il du vrai ?). C’est pourquoi des gens apparemment sérieux comme des journalistes perdent leur temps à « décoder » des rumeurs à la con sorties tout droit des égouts d’Internet.

Il y a autre chose qui fait autorité : la foi. La foi est à l’origine de croyances fortes et stables. Elle peut vous faire accepter des choses inacceptables au nom d’une récompense ultérieure. La foi est un sentiment religieux, mais elle n’a pas Dieu pour seul objet : elle peut être politique, culturelle, sentimentale, etc. Les nazis croyaient que leur extrême violence les mènerait à un monde d’aryens parfaits ; Jésus croyait que son sacrifice offrirait aux hommes leur rédemption et à lui, la résurrection ; et les apeurés occidentaux du XXIe siècle croient que l’État, en imposant le port du masque, leur offrira un monde sans risque sanitaire. Un monde dans lequel leur peur deviendrait une vertu : le paradis des timorés, l’Eden du trouillard.

Depuis 1789, la plupart des Français ont foi en la démocratie. Dans son célèbre ouvrage Psychologie des foules, Gustave Le Bon relève d’ailleurs que ce mot de « démocratie » n’a pas le même sens pour tout le monde : « Pour les Latins, le mot démocratie signifie surtout effacement de la volonté et de l’initiative de l’individu devant celle de l’État« . Lucide ! Le port du masque nous en donne une belle illustration. Investissant le gouvernement d’un pouvoir rendu magique par le seul fait de nos croyances collectives, nous nous mettons à croire aveuglément sa promesse : l’immunité pour tous grâce au chiffon sur la gueule !

Nos dirigeants vous privent d’une forme de liberté toute démocratique ; et en même temps, ne voient aucun problème à se gargariser du mot « démocratie ». Ils se payent même le luxe de donner des leçons de démocratie à qui veut (et ne veut pas), et osent critiquer ces pays qui selon eux ne sont pas « démocratiques ». Le gouvernement se prend pour le gardien du temple démocratique ; il en est le premier blasphémateur. Si vous placez votre foi en Macron, en la démocratie, vous nierez que Macron se trompe ; vous nierez que notre démocratie tient plus d’une oligarchie fondée sur la connivence et le statut social. Car, se l’avouer, c’est remettre en cause ce que vous pensez et croyez sur ces sujets, donc une partie de vous-même. Ce phénomène a un nom : la dissonance cognitive, cet état inconfortable dans lequel on se trouve lorsqu’on se rend compte que l’on s’est trompé.

Le statut de l’État et de ses représentants (seuls dotés d’un pouvoir coercitif toléré) fait figure d’autorité suprême devant laquelle beaucoup suspendent leur raisonnement. Ils confondent ainsi l’autorité avec l’infaillibilité et la connaissance. Le « ils », c’est l’État, cet inquiétant Léviathan. Et il tire son pouvoir de notre croyance en lui (il nous veut du bien) et en la démocratie (c’est juste le temps que l’épidémie se calme !). NOUS acceptons de porter le masque. Par confort, par peur, par conformisme, par envie d’afficher notre vertueuse responsabilité.

Dans Le Père Goriot, Balzac écrivait ces lignes déjà froidement réalistes : « Un des traits caractéristiques qui trahit le mieux l’infirme étroitesse de cette gent subalterne, est une sorte de respect involontaire, machinal, instinctif, pour ce grand lama de tout ministère, connu de l’employé par une signature illisible et sous le nom de Son Excellence Monseigneur le Ministre, […], et qui, aux yeux de ce peuple aplati, représente un pouvoir sacré, sans appel. Comme le Pape pour les Chrétiens, Monseigneur est administrativement infaillible aux yeux de l’employé ; l’éclat qui jette se communique à ses actes, à ses paroles, à celles dites en son nom ; il couvre tout de sa broderie, et légalise les actions qu’il ordonne ; son nom d’Excellence, qui atteste la pureté de ses intentions et la sainteté de ses vouloirs, sert de passeport aux idées les moins admissibles. Ce que ces pauvres gens ne feraient pas dans leur intérêt, ils s’empressent de l’accomplir dès que le mot Son Excellence est prononcé. Les bureaux ont leur obéissance passive, comme l’armée a la sienne : système qui étouffe la conscience, annihile un homme et finit, avec le temps, par l’adapter comme une vis ou un écrou à la machine gouvernementale.«

Finalement, cela n’a pas beaucoup changé depuis le XIXe siècle.Nous sommes en bonne partie les instruments de ce que nous critiquons ; de notre servitude. La Boétie, un gamin de 18 ans, l’avait déjà compris il y a 500 ans ! Aurions-nous cessé de penser ? Ou bien pensons-nous improprement ?

Vous pouvez lire la première et la troisième partie de cet article ici.