La guerre en Ukraine, c’est mal : merci pour l’info les footeux !

Quelle sera la cause du jour ?

Joueurs du FC Barcelone et de Naples tenant une pancarte « Stop War » avant le match retour de Ligue Europa le 25 février 2022.

Après avoir tergiversé un temps, la FIFA a décidé d’exclure les clubs et l’équipe nationale russes de toutes les compétitions suite à l’invasion de l’Ukraine. Au-delà de cette crise, constatons que le foot mondialisé, pur produit de consommation, épouse toutes les causes validées par le sacro-saint triumvirat médias/politiques/marques. Impossible de se détendre pendant un match désormais, on veille à vous inculquer la vertu honorable. 

La vertu honorable, vous savez, celle qui n’engage à rien… mais qui vous fait appartenir au camp du Bien.

Je le confesse : j’aime encore le football. Je sais que c’est bête, je vois bien que le spectacle grand public dont l’on nous gave n’a plus rien à voir avec une certaine idée de ce sport, mais tant pis. Il me reste encore quelques raisons de suivre la saison : le talent, les plans de jeu, la tension inhérente à certains matchs, l’espoir de buts d’anthologie ou de faits de jeu marquants.

Mais il y a une énorme différence entre le football amateur et sa version mondialisée et commerciale conçue par la FIFA (on en parlait déjà ici). Et cette dernière version commence sérieusement à me courir sur le haricot. Impossible de se détendre : clubs, joueurs et sponsors bavent leur moraline à deux balles par tous les moyens possibles.

La tendance du jour : à bas la guerre !

La grande cause du moment, c’est la guerre en Ukraine. Le mot d’ordre est simple : il faut arrêter la guerre, la guerre c’est mal, à bas la guerre, vive la paix. Comme c’est profond, quelle puissance ! Qu’on ne se méprenne pas sur mon propos : déplorer la violence guerrière est une réaction plutôt naturelle chez moi, même si je sais qu’il y a des guerres malheureusement nécessaires.

Le problème, ce sont les moyens employés : en quoi 22 types en short tenant une pancarte « STOP WAR » avant un match de Ligue Europa vont-ils changer quoi que ce soit ? Que croient faire les diffuseurs du championnat espagnol en insérant un bandeau « Stop invasion » durant les retransmissions ? Ont-ils réellement imaginé que Vladimir Poutine, impressionné par tant de détermination, y réfléchira à deux fois avant de donner libre cours à ses lubies tsaristes ?

BeIn Sports prend tous les risques avec son bandeau « Stop invasion » (capture d’écran YouTube).

BLM, LGBT, racisme, respect…

Ça a commencé quand, cet affichage de vertu indécent et ostentatoire ? On a eu les campagnes « No to racism », les brassards et maillots LGBT, etc. Depuis deux ans, on assiste au spectacle du genou à terre au début de chaque match, diktat Black Lives Matters oblige. Quand je vois les joueurs et l’arbitre s’agenouiller ainsi, je ne peux m’empêcher de penser à des chevaliers se faisant adouber. Sauf que dans ce cas, l’adoubeur n’est pas le monarque, mais les annonceurs, les sponsors et les médias, tous complaisants avec le wokisme.

Si le joueur n’affiche pas la vertu appréciée ou – pire – s’il prétend penser par lui-même, on le rétrograde vertement. Le joueur de Crystal Palace (Premier League) Wilfried Zaha a ainsi été sommé de se justifier médiatiquement parce qu’il avait refusé de poser le genou à terre. Parfois, les contrats de sponsoring sont rompus. Nike a ainsi mis fin à son contrat avec le joueur de Manchester United Mason Greenwood soupçonné de viol… alors que l’enquête était encore en cours d’instruction. Le licenciement expéditif est une réalité dans ce milieu. Le cas récent d’Aleksandar Katai, viré de la franchise américaine des LA Galaxy, en raison des tweets postés par sa femme (plus que douteux, certes), est éloquent : un salarié renvoyé pour quelque chose qu’il n’a pas fait et dont il n’est pas responsable, en voilà une vertu !

Faites ce que je dis, pas ce que je fais

Au-delà de la stérilité de ces manifestations, on pourra discuter des aspects moraux de certaines initiatives. Cet amour dégoulinant ont quelque chose de repoussant ; c’est gênant. Ces gens-là clament des slogans pour s’acheter une vertu et être validés, mais bien peu font ce qu’ils disent.

Lilian Thuram fustige le racisme ? Lui-même s’est vu reprocher par Fabien Barthez une tentative d’exclusion de certaines photos des joueurs blancs de l’Équipe de France…  De nombreux clubs participent à la campagne “Football vs. homophobia” en février ? Pourtant, cela reste un milieu où il est mal vu d’être homosexuel. Le très titré footballeur allemand Philip Lahm, dans une biographie parue il y a un an, conseillait carrément aux joueurs homosexuels de garder le secret parce “qu’il y a encore un manque d’acceptation dans le monde du football”. On vous chante les bienfaits du “respect” ? Il semble pourtant que les footballeurs fournissent régulièrement sur les terrains un contingent conséquent de bagarreurs, tricheurs ou agresseurs… Il y aurait trop d’exemples à donner ici.

Et le respect de la présomption d’innocence ? Et la liberté de penser ? Et l’universalité des causes défendues ? Bref, les acteurs du football FIFA sont des hommes comme les autres : partant, qu’ils arrêtent de nous emmerder avec leurs leçons de morale.

Football inclusif: j’ai fait un rêve…

On pourrait conclure en imaginant un match de football dans cinq ans. Après avoir posé un genou à terre (pour BLM, contre le racisme), des joueurs revêtus d’un maillot arc-en-ciel (pour la propagande LGBT) arborant un clitoris (pour le féminisme) courront masqués (le coronavirus étant toujours dans les parages) derrière un ballon. L’arbitre ne donnera plus de cartons, jugés trop stigmatisants (halte à la nullophobie !) et les défaites seront interdites pour la même raison. À la mi-temps, les joueurs feront une ronde pacifique pour la paix dans le monde. Enfin, des groupes de parole seront organisés en troisième mi-temps dans le vestiaire, pour discuter de leur “vécu”(il est temps de causer masculinité toxique et homophobie).

En fait, la vertu, c’est comme la confiture ; moins on en a, plus on l’étale.

La métallophobie, arme de guerre des mélonormés

Les fans de musique metal sont victimes de l’hégémonie de la musique commerciale au quotidien

Bien peu de médias en parlent ; pourtant, la métallophobie quotidienne fait des ravages dans le monde des amateurs de musique. Les metalheads (nom des fans de métal) subissent une oppression systémique et protéiforme du privilège pop et du privilège rap, incarnation féroce de la mélonormativité. Il est temps que cela cesse !

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« Allez, chacun passe une chanson et fait découvrir un morceau aux autres ! » Les styles musicaux s’enchaînent : pop, rock, électro, ragga, rap, r’n’b, dub, etc. Depuis plusieurs années, les enceintes Bluetooth ont instauré une apparente démocratie de la musique dans les soirées festives. Pourtant, comme tout système politique, elle a ses parias, ses exclus.

Fan de metal extrême, Estéban propose à ses amis un morceau. La réponse, unanime : « Non, ça va casser l’ambiance, c’est trop agressif » . Aucune discussion possible, pas de conciliation : Estéban est rejeté par un consensus implicite. Il n’est pas le bienvenu, et on ne headbangera pas sur les vociférations et les riffs endiablés de Slayer. Ravalant sa frustration, il feint comme les autres – les mélonormés- d’apprécier les gémissements de Rihanna. Comme des millions d’autres fans de metal, Estéban vient de subir une micro-agression.

Micro-agressions et système excluant

Rentré chez lui, Estéban décide de se changer les idées et allume la télévision, mais tombe sur Quotidien qui montre des metalleux avinés montrant leur postérieur. Écœuré par ces clichés, notre metalhead passe à Spotify : inutile, le service de streaming ne connaît pas le quart des groupes de black metal qu’il demande.

Alors, Estéban sort se promener ; las, des enfants le montrent du doigt, et de nombreux passants se retournent sans gêne sur lui. Ils se moquent de ses cheveux longs, de ses bracelets à clous, de son maquillage noir et de ses bagues à tête de mort. Il rencontre une connaissance et lui fait machinalement le signe des cornes avec la main ; méprisant, l’autre lui tend la sienne. « Les gens ont tellement intériorisé la metallophobie qu’ils imposent même leur façon de saluer » , témoigne Estéban.

Ces micro-agressions quotidiennes, il s’y est habitué. Le sentiment d’exclusion, lui, demeure : « Pourquoi les gens rejettent-ils ce qui est différent, et qu’ils ne peuvent pas comprendre ? » Pour lui, c’est clair : les fans de metal sont les victimes du rap-triarcat et de la pop-triarcat, deux styles qui permettent aux majors de la musique d’engranger des milliards de dollars et qu’elles protègent jalousement en stigmatisant ceux qui écoutent des musiques différentes.

Pour Esteban, aucun safe space

Les amateurs de soupe auditive peuvent ouvrir n’importe quelle radio à n’importe quel moment pour être bercés de morceaux interchangeables de musique mondialisée. Ils ont leurs émissions, leurs évènements ; leur culture et leurs codes définissent la normativité des espaces musicaux publics et privés. Pour eux, le monde entier est un safe space.

Estéban, lui, n’a pas de radio dédiée ; tout au plus, quelques émissions confidentielles proposées à des heures tardives. Même ses refuges habituels (les grands festivals metal) sont victimes de l’entrisme de la musique commerciale et d’une appropriation culturelle ne subissant aucune limite : « Avant, on était entre vrais metalleux, et on pouvait partager notre expérience de personnes metallisées autour d’une bière sans craindre l’oppression. Aujourd’hui, on subit l’invasion de cohortes d’adolescents gothiques écoutant des groupes commerciaux, de vieux boomers qui achètent le dernier album de Metallica en expliquant que c’est du metal, ou de bimbos Instagram qui qui font de l’appropriation culturelle en s’habillant en noir« .

Les solutions : intersectionnalité et éducation populaire

Fort de ces amères constatations, Estéban a fondé en 2015 le CCMI, le Comité Contre la Metallophobie Institutionnelle, qui rassemble aujourd’hui plus de 200 000 metalleux. Son but : « Unir les metalleux autour d’une cause commune, la lutte contre la metallophobie« .

Punk, black, hardcore, doom, death, thrash, hard rock, heavy : pour Estéban, le combat contre la pop-triarcat et le rap-triarcat passe par l’union contre la métallophobie. « Les punks se battent pour le droit de porter une crête de cheveux verte ; les thrashers militent pour le respect de la veste en jean sans manches avec des patchs cousus ; les black metalleux veulent invoquer Satan sans se cacher. Au CCMI, on essaye d’unir tous les fans de metal pour mener une vraie lutte intersectionnelle. Chacun avait son drapeau, comme les LGBT : maintenant, nous sommes unis sous la même banière. Noire, bien sûr.« 

Depuis 6 ans, Estéban propose donc des conférences autour du monde pour sensibiliser différents publics à la metallophobie. Évidemment, Estéban a pris soin d’étudier les luttes intersectionnelles existantes pour plus d’efficacité. « Nous montrons aux gens que s’habiller en noir est un signe extérieur de soutien à notre cause. Bien sûr, nous leur vendons ensuite les vêtements de notre shop pour metalleux ! ». Estéban confie que l’étude de Rokhaya Diallo et d’Assa Traoré lui a énormément appris sur l’art de conjuguer business et luttes sociales. « Il faut bien vivre ! », assume le redresseur de torts chevelu qui a compris grâce à ces égéries que « tout le monde peut se plaindre de quelque chose pour gagner sa vie« .

Mais Estéban va plus loin : il en appelle à une véritable décolonisation de la musique. Le CCMI va d’ailleurs publier une étude susceptible d’ébranler toutes les représentations musicales existantes. « Après une enquête approfondie, nous nous sommes rendus compte que la musique doit tout au metal depuis au moins 3 000 ans. Saviez-vous que Jésus avait les cheveux longs parce qu’il était metalleux ? Que les chevaliers armés se protégeaient en réalité pour aller dans des pogos ? Que si la bière était une boisson quotidienne au Moyen-Âge, c’est parce que les metalleux avaient une culture extrêmement puissante à cette époque ? » L’enquête démontre en effet comment la culture metal a été depuis des siècles victime d’une invisibilisation systémique.

Le CCMI propose d’emblée des pistes pour une société plus apaisée et un véritable vivre-ensemble musical : « Interdire tous ceux qui ne pensent pas comme nous, ce sont des fascistes ; obliger les majors de la musique à pratiquer une discrimination positive en faveur des metalleux ; établir des quotas de musique metal dans toute programmation musicale« . Pour rallier les soutiens à la cause, les hashtags #Balancetapop et #MeTal ont été créés. Il ne reste plus qu’à espérer que les dirigeants se penchent sur cette question douloureuse, car c’est de la reconnaissance des erreurs du passé que pourra naître une musique plurielle et riche de sa diversité musicale !

« Casse-Noisette » est raciste ? Vite, des opéras de rap !

La solution à la musique classique, jugée trop raciste

Dernière conquête de la « cancel culture » dans le monde de la musique classique : le célèbre ballet « Casse-Noisette » a été déprogrammé de l’Opéra de Berlin. En cause : son innommable racisme. Heureusement que pour compenser, une bonne partie du rap français peut diffuser ses mélopées d’amour en toute liberté.

Il a répandu le venin du racisme pendant 129 ans dans l’esprit de millions de spectateurs. « Il », c’est le ballet « Casse-Noisette », composé par l’obscur Piotr Tchaïkovski. Les « spectateurs », ce sont ces êtres fragiles incapables de nuance et de recul, qui croient tout ce qu’ils voient. « Selon un podcast du Staatsballett, le public n’est pas encore prêt à bien comprendre ce qu’il voit sur scène […] », rapporte le journal allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung. Les images du Bolchoï (ci-dessus) recèlent en effet une violence raciste poussée à son paroxysme !

Heureusement, l’escouade « woke » -incarnée cette fois par Christiane Theobald, directrice par intérim du Staatsballett- a décidé d’épargner à ces âmes perdues la vision du Mal en puissance en déprogrammant le ballet cet hiver. En cause : l’acte II du ballet, qui montre des chorégraphies typiques de plusieurs nationalités, notamment orientales et asiatiques. « Nous devons nous demander si des éléments de l’époque de la création posent problème« , explique la SJW Theobald.

Mieux que se demander, elle y a répondu, puisque l’œuvre ne sera pas jouée. On voit ici l’abnégation totale des « éveillés », particulièrement vigilants quand il s’agit de musique classique. Ne soyons pas polissons et ne relevons pas leur contradiction à propos de cette musique qui serait un « privilège » d’Asiatiques et en même temps les représenterait de façon raciste. Ils sont fous, ces Asiatiques…

L’Opéra de Berlin a désormais un autre problème à gérer : il y a un trou dans sa programmation. Désireux d’aider les « éveillés » à apporter la lumière dans les ténèbres, nous proposons plusieurs pistes.

Pourquoi pas des ballets de rap ?

On pourrait aller plus loin, et jouer sur la scène des grands opéras des morceaux de rap dans des créations ambitieuses. Cela serait l’occasion de « dé-blanchiser » la musique classique, et d’ailleurs de dé-classiciser ce privilège musical de Blancs. En plus, ça donnerait l’occasion à des jeunes-issus-de-la-diversité de toucher un public inhabituel (bien que raciste et impressionnable).

En effet, le rap est une musique pleine d’amour, et un style regorgeant de talents. Chaque jour en France, de nombreux rappeurs saturent YouTube de leurs créations artistiques de haute volée pour mélomanes exigeants. Oui, il peut parfois s’y trouver quelques propos dérangeants, mais c’est pour faire réfléchir !

Amour et poésie dans le rap français (capture d’écran 20Minutes FR/YouTube).

Quand Nick Conrad chante par exemple « Je tue des bébés blancs, attrapez-les vite et pendez leurs parents, écartelez-les pour passer le temps, divertir les enfants noirs de tout âge petits et grands« , ce n’est pas du racisme pur et dur : c’est une courageuse dénonciation politique. « J’me rappelle étant p’tit, y avait beaucoup de gens qui voulaient pas être Noirs. J’ai entendu comme ça des trucs de torture, dans des films, dans des séquences » (sic), explique M. Conrad, qui précise que « le rap, c’est un style qu’il faut comprendre » (re-sic).

Le public de la musique classique étant visiblement un peu benêt, on espère qu’il élèvera son niveau pour la première de « Casse-Blancs », adaptée de l’œuvre de Nick Conrad. Et se laissera séduire par les élégants mouvements de danseuses professionnelles dont on peut déjà admirer la grâce dans d’innombrables clips de rap.

Comme il en faut pour tous les goûts, on peut imaginer avec exaltation d’autres opéras et ballets : Freeze Corleone (et ses répliques savoureuses, telles « Rien à foutre de la Shoah » ou « J’suis à Dakar, t’es dans ton centre à Sion« ) ou encore la délicate mise en scène adaptée de Lunatic, incluant la poignante tirade « Quand j’vois la France jambes écartées, j’encule sans huile« .

Il faudrait cependant indiquer aux spectateurs crédules qu’il est inutile de craindre pour leur arrière-train en entendant cela : ce n’est que de l’art, rien de plus.

Île de Ré : abîmer la nature pour… la préserver !

C’est un texte très curieux que nous avons trouvé sur le site du département de la Charente-Maritime. Il illustre à merveille la dérive phatique de nombre d’institutions, dont les phrases compliquées mais « constructives » portent peu ou pas d’idées, voire des paradoxes intéressants. En somme, la langue de bois va bien.

Le saviez-vous ? Pour vous rendre en voiture sur l’île de Ré, en Charente-Maritime, il faut emprunter un pont et s’affranchir d’un péage. Une fois la somme acquittée, les visiteurs peuvent alors découvrir des terres insulaires parmi les plus somptueuses du patrimoine français.

L’île de Ré abrite une Réserve nationale, une faune et une flore spécifiques, et le département souhaite la préserver. Pour cela, il a donc mis en place le dispositif Cap Ré, « qui permet aux usagers de contribuer à la protection de l’île lors du passage du pont« . Le but : que le péage serve d’écotaxe « affectée à des projets environnementaux pour contribuer à la préservation de l’île de Ré« . Jusqu’ici, tout va bien.

Soudain, le site de l’institution nous gratifie d’une pépite de lucidité :

Puisque c’est clair, qu’on vous dit ! (source : capture d’écran de cette page)

Il y a les mots-clés essentiels pour un discours générique et convenu sur la défense de l’environnement comme se doit d’en produire toute institution moderne : « patrimoine naturel« , « préserver« , « valorisation« , « protection« . C’est beau comme du Rimbaud, ça sonne comme du Lennon.

On apprend que des milliers de visiteurs « fragilisent » le patrimoine naturel sensible (donc dégradent ou abîment une terre qu’il faut préserver). Donc on les fait payer quand ils viennent : ainsi, ils fragilisent toujours l’île, mais sont des « acteurs de sa protection« .

On aurait pu interdire les voitures des touristes de passage ; autoriser uniquement l’accès aux moyens de transport non motorisés ; réduire la jauge des visiteurs admis sur le site. Non : on fait payer des gens pour qu’ils réparent ce qu’ils dégradent. La poule et l’oeuf. L’oeuf et la poule.

Un amusant paradoxe qui montre peut-être que la volonté politique s’arrête là où le touriste débarque avec son porte-monnaie.

Précarité menstruelle et précarité alimentaire : femmes et hommes, tous victimes ?

De nombreuses féministes françaises ont eu raison d’attirer l’attention du public sur le sujet important de la « précarité menstruelle« . Ce débat devrait servir d’exemple pour mener celui, tout aussi essentiel, de la précarité alimentaire des humains de sexe masculin. Explications.

La précarité menstruelle pour les femmes…

Irène Vrose, féministe parisienne, montre « un aperçu de ce qu’il se passera si les personnes menstruées décident de ne plus payer leurs protections hygiéniques. » Et « elle ne fait pas ça pour s’amuser ». (source : Cosmopolitan)

D’après Wikipedia, la précarité menstruelle est « la difficulté ou manque d’accès des personnes réglées aux protections hygiéniques par pauvreté« . La Fédération internationale de Gynécologie et d’obstétrique estime que 500 millions de femmes dans le monde sont en situation de précarité menstruelle (voir ici). Ce phénomène touche des pays pauvres bien sûr ; mais on sait grâce à une frange du mouvement féministe que la précarité menstruelle frappe aussi de plein fouet des femmes vivant dans des pays aisés comme la France.

Parmi elles, plusieurs se disent touchées en particulier par la précarité menstruelle. Elles sont « révoltées par le prix des tampons« , et elles ont raison : à 5 euros en moyenne la boîte de 32 tampons, la dépense représente selon le Nouvel Obs « une fortune quand on la rapporte à l’année« . 5 euros par mois, c’est par exemple le prix d’un kebab, de 25 cL de bière à Paris, ou d’un demi-paquet de cigarettes. L’économie est donc significative : une étudiante en situation de précarité menstruelle ne peut pas aller boire un seul verre avec ses amis dans le mois.

La vigilance de ces militantes a pointé le doigt sur l’inégalité latente de la biologie, mère de tous les réacs. Celle-ci s’en prend même aux hommes, victimes eux de précarité alimentaire.

… et la précarité alimentaire pour les hommes

Les hommes français passent en moyenne 56 jours de plus à table que les femmes françaises sur toute une vie !

D’après l’Organisation mondiale de la santé, un homme doit consommer environ 2 500 kilocalories (kcal) par jour, contre 2 000 kcal/jour pour une femme. Soit un différentiel de 500 kcal assumé financièrement par les hommes ! Chaque jour, les hommes doivent donc ingérer l’équivalent d’un petit repas supplémentaire : des lasagnes au saumon, un plat de côtelettes, ou encore du riz au poisson par exemple.

Cette inégalité insupportable a un prix encore plus élevé que celui de la précarité menstruelle : entre 1 et 3 € par jour, soit une charge fixe mensuelle supplémentaire de… 30 à 90 € ! Les hommes étant moins bien organisés que les femmes, on ne voit poindre aucun mouvement dédié à l’animation du débat public sur ce sujet pourtant prioritaire qu’est la précarité alimentaire pour les hommes. Et le gouvernement ne fait montre d’aucune proactivité en la matière !

… qui passent donc plus de temps à table

Autre conséquence de cette précarité alimentaire : le temps passé à table. D’après des données publiées par l’OCDE en 2018, les Français passent donc 3 minutes de plus chaque jour à se sustenter pour subvenir à leurs besoins métaboliques que les Françaises. Sur toute une vie de 75 ans, cela représente 1 350 h, soit… plus de 56 jours ! L’écart est nettement supérieur en Chine ou en Grèce : respectivement 13 minutes et 8 minutes supplémentaires chaque jour, soit 243 et 150 jours.

Le coût en termes de productivité est énorme ; le préjudice sur la vie personnelle l’est tout autant. Espérons que parmi les nombreux mouvements à vocation universaliste, certains auront le courage d’imposer ce sujet dans le débat public. Cette précarité alimentaire n’a que trop duré !