Quand Emmanuel Macron réconforte Kylian Mbappé

Après la défaite française en finale de la Coupe du monde 2022 face à l’Argentine, une courte séquence a été diffusée sur YouTube. Elle montre le président français réconforter l’attaquant star du PSG. Comme on ne dédaigne pas le langage corporel sur Libres Paroles, en voici un décryptage rapide.

Officiels, agents de sécurité et journalistes ont envahi la pelouse après le coup de sifflet final. L’Argentine remporte sa troisième Coupe du monde, la France termine deuxième malgré une belle remontée. Assis sur le gazon, le héros français du soir broie du noir, lui qui a pourtant inscrit un triplé pour maintenir son équipe à flot durant la partie.

C’est alors qu’arrive Emmanuel Macron, par derrière ; Kylian Mbappé ne le voit pas arriver. Macron penche la tête comme pour chercher l’expression de Mbappé, geste typique de sollicitude. Puis il se penche et approche son visage jusqu’à toucher celui de Kylian, lui posant une main paternelle et réconfortante sur la nuque. C’est vrai, ce Président-là est toujours très tactile, particulièrement lorsqu’il interagit avec des hommes jeunes.

Le joueur, qui faisait mine de se relever, reprend sa pose neutre, bras croisés autour des jambes. La fonction de président de la République semble à ce point désacralisée -ou l’éducation et le respect du plus grand nombre défaillante- que Mbappé ne juge pas à propos de se tenir debout en présence de Macron, quoi qu’on pense de celui-ci. Il ne sourit pas, ni ne répond aux propos du Président.

Macron resserre alors son étreinte : il se met dans l’axe du regard de Kylian, s’agenouille, et resserre son étreinte : à la main sur la nuque s’en ajoute une posée sur le bras gauche du joueur. Il lui tapote le dos. L’attaquant pince la bouche obstinément. Le contact visuel n’est pas mutuel : Macron le regarde dans les yeux, Mbappé l’évite dès le début de la séquence. Émotion et tristesse dues à la défaite ?

Et Martinez arrive…

Peut-être. Peut-être pas. En tout cas, le contraste est flagrant avec l’arrivée du gardien de but argentin, venu lui aussi prodiguer quelques mots réconfortants à Mbappé. Ce dernier lève le visage vers le portier et croise son regard avant de retomber dans son mutisme compréhensible. Macron n’y a pas eu droit !

Autre différence : le contact tactile est mutuel entre les deux joueurs de foot. L’argentin tend deux fois sa main, et Kylian la saisit deux fois, acceptant même l’aide de Martinez qui l’aide à se remettre debout. La présence de Martinez isole Macron, qui n’est toujours pas en face de Mbappé. Le corps de Macron est tourné vers l’auteur du triplé, mais c’est Martinez qui est en face de Mbappé.

Kylian va même jusqu’à prodiguer une caresse à Martinez, semblant le remercier silencieusement pour ses mots de réconfort. Sentant sans doute qu’il n’est pas dans son élément, Emmanuel Macron se relève avec la bouche figée dans la mimique du parent qui comprend la déception de son enfant, mais considère sa douleur comme un apprentissage nécessaire de la vie : « Allez mon p’tit, courage !« .

Les deux joueurs se touchent, habitués au contact physique du vestiaire, du terrain, des contacts et des célébrations. Mais Macron pose toujours sa main sur Mbappé, sans réciprocité.

Dans cette séquence, le président start-upper n’aura pas eu un regard ou un geste de l’attaquant français. Alors, désintérêt pour le politique ; ou bien déception compréhensible ? Mais dans ce dernier cas, pourquoi alors le portier argentin a-t-il droit à une interaction mutuelle avec Mbappé ?

À vous de regarder la séquence et d’interpréter les comportements ! Si vous voulez commencer avec un exercice facile, vous pouvez analyser cette autre photo du gardien argentin prise hier soir…

Le gardien argentin Martinez et son gant d’or…

Les influenceurs, ou la modernité du dinosaure

Ils ont éclos en utilisant des moyens modernes de communication (YouTube, réseaux sociaux, analyse de données), mais promeuvent des pratiques et comportements d’un autre âge…

Capture d’écran francetvinfo.fr

Prenons le top 3 des Youtubeurs français en 2022 : Squeezie organise une course automobile sur le célèbre circuit du Mans avec 21 autres « célébrités du net » ; Norman Thavaud (Norman fait des vidéos) vient de sortir de garde à vue dans le cadre de l’enquête le visant pour « viol et corruption de mineur » ; Cyprien a publié le 6ème épisode (6 !) de sa série « Les pubs vs. la vie« , dans laquelle on peut voir un certain nombre de marques.

Engins polluants, histoires de cul, omniprésence de matériel et de marques, arnaques : les stars de la génération née après 2000 n’ont rien inventé. Harvey Weinstein, placements de produits, matérialisme exacerbé : tout cela existait bien avant eux. À certains égards, ils ne sont que les continuateurs d’un monde dont bien des aspects sont discutables. Drôle de paradoxe de la part de la « nouvelle génération » !

Des VRP au rabais : le consumérisme, coûte que coûte !

L’influenceur, tel que le définit Larousse, est une « personne qui, en raison de sa popularité et de son expertise dans un domaine donné (mode, par exemple), est capable d’influencer les pratiques de consommation des internautes par les idées qu’elle diffuse sur un blog ou tout autre support interactif« . Une définition qui inclut la plupart des influenceurs, y compris ceux qui ne savent rien faire (montrer ses fesses ou vendre ses pets ne requiert aucune compétence). Qu’ils parlent de jeux vidéo, de mode, ou d’autre chose, la plupart des influenceurs ne sont rien d’autre que les VRP d’entreprises plus ou moins connues.

Le modus operandi est le suivant : se faire connaître (créer l’image et le marché), puis nouer des partenariats (contractualiser) avec des marques, et enfin vous refourguer la camelote : pizzas, produits de maquillage, vêtements, parfum, services web, etc. En somme, des pratiques commerciales antédiluviennes pour esprits incapables de faire la part des choses entre la réalité et l’image qu’on renvoie.

Zoom sur les influencés

Parmi ces influencés, on peut imaginer deux moteurs majeurs les poussant à suivre untel ou unetelle. Le premier, c’est la part de rêve : quand n’importe quelle greluche (quel que soit son sexe) arrive à se faire filmer dans des habitations luxueuses, au volant de véhicules rares, portant des vêtements de grand couturier, les plus jeunes fantasment devant l’opulence et les paillettes. Oui, une vie de luxe est facile ! Oui, l’argent peut tomber du ciel sans faire d’efforts ! Oui, je peux m’incarner dans ce physique de rêve ! Et tant pis si tout est loué ou prêté temporairement par des marques intéressées par leur visibilité commerciale : l’essentiel est de donner la part de rêve.

Deuxième moteur possible, l’identification. Les influenceurs savent créer une connivence aussi naturelle que factice : autodérision, tutoiement, vocabulaire simple mêlant français, franglais ou arabe, vêtements sportswear et meubles Ikea comme tout le monde, évitement des sujets de fond (société, politique), … Des égéries cool, qui ressemblent à ce que vous connaissez déjà ! Naît alors une forme de confiance, condition indispensable à l’influenceur pour gagner sa vie : ce produit est génial ! Clique sur ce lien, tu verras ! Je suis jolie, mais je suis proche de toi : j’utilise juste des astuces simples, comme ce fond de teint !

Les influencés sont pourtant les dupes de personnes qui connaissent bien les règles du jeu, et gagnent leur vie de ce qu’ils font. En fait, ils payent le salaire de leurs chouchous en cliquant sur des liens, en rentrant les bons codes promo, ou en achetant des produits parce qu’ils n’ont pas fait la distinction entre publicité et création artistique.

Mêmes marionnettistes, mêmes ficelles, mêmes marionnettes

Comment alors des influenceurs jeunes peuvent-ils bénéficier d’une aura « jeune », « cool », « hype », « branchée », et autres adjectifs flatteurs ? Ils ne sont bien souvent que l’adaptation d’une vieille industrie aux codes dominants, codes définis à la fois par les mœurs de l’époque et la technologie. Une industrie qui veut toujours vous vendre des merdes manufacturées à bas coût dont vous n’avez pas besoin. Une industrie qui vous parle de « responsabilité » et de « protection de l’environnement » le cœur sur la main, tout en vous vantant des trajets dans un avion plein de kérosène pour aller prendre les mêmes photos que les autres Instagramers aux mêmes endroits. On a le prestige social qu’on mérite, et tant pis si cela endommage le lieu en question à force de surfréquentation (Santorin, Machu Picchu, etc.).

Une industrie qui n’a pas changé son logiciel depuis qu’on a compris que le sexe est un des moteurs puissants de l’humanité quand il s’agit de vendre n’importe quoi. Finalement, les fashionistas à la vulgarité outrancière et agressive se servent de leurs seins et de leurs fesses pour vendre : rien n’a changé, sauf que l’élégance et la subtilité ont disparu. Tant pis s’il est de mauvais ton de le dire. On arrive ainsi à lire des curiosités : dernièrement, Le Figaro Madame nous a gratifié d’un article sur la supporter croate Ivana Knoll intitulé « Décolleté vertigineux et minijupe au stade : Ivana Knoll, la supportrice croate qui affole le Qatar« . On n’y apprend rien, sauf que la demoiselle se sert de son physique pour vendre des canettes de quelque chose -dans une tenue qui laisse peu de place à l’imagination, cela va de soi. Les boomers libéraux qui lisent Le Figaro ont sans doute été bien contents que leur canard leur propose ce lien, eux qui brûlaient de savoir la biographie détaillée de la jeune femme et ses opinions politiques.

Capture d’écran du profil Instagram d’Ivana Knoll

Bref, les influenceurs utilisent les mêmes ficelles que le commercial en porte à porte d’antan, et vous vendent le même way of life fantasmé que dans les années 50 : insouciance, argent facile, matérialisme superflu. Sous le vernis de la modernité apparaissent des dinosaures œuvrant pour l’éternité de l’Anthropocène, des relais efficaces d’entreprises se foutant finalement allègrement de l’environnement ou de la progression morale de l’individu. Ils donnent à voir toujours le même imaginaire de sexe, de publicités, de matérialisme, le même humour consensuel et fondé sur une observation pseudo-sagace ou décalée des banalités du quotidien. Ils sont les maillons d’un système qui ne change absolument pas, dans lequel on parle désormais de « consommer mieux » ; mais qui ne remet jamais en cause la consommation comme rapport au monde, aux choses, aux autres.

Oui, les influenceurs sont des fossiles du monde d’avant. Et ce monde se battra pour continuer à exister ; fût-ce contre la logique, la protection de l’environnement, l’évolution et l’adaptation aux réalités du monde.

À vous d’oser penser par vous-même : sapere aude !

Gifleur de Macron : du crime de lèse-majesté en France

La Cour d’appel de Grenoble a confirmé hier les peines prononcées à l’encontre du gifleur d’Emmanuel Macron, Damien Tarel. La justice peut donc être sévère et exemplaire en France.

Capture d’écran BFM TV.

Privation des droits civiques, interdiction de détenir ou de porter une arme et interdiction d’exercer dans la fonction publique confirmées : Damien Tarel n’aura pas eu gain de cause. Celui qui avait giflé le président de la République le 8 juin 2021 avait été condamné deux jours plus tard à 18 mois de prison, dont 14 avec sursis (avec mandat de dépôt, preuve de la dangerosité de l’individu !).

Un acte contre-productif

Mettons les points sur les « i » : je ne cautionne pas du tout l’acte de M. Tarel, quand bien même je partagerais ses motivations. Loin de faire consensus, la gifle a indigné l’ensemble de la classe politique, notre personnel politicien demandant des sanctions exemplaires et se montrant subitement capable de percevoir la puissance des symboles (quand elle ne voit que des « faits divers isolés » par ailleurs). Pour isoler ou affaiblir Macron, il y a mieux.

De plus, Damien Tarel avait « reconnu » (AFP) son ancrage à la droite de l’échiquier politique, et a donné par son geste une piètre image de son courant de pensée. On note d’ailleurs la terminologie étrange de l’AFP dans le Figaro du jour : on « reconnaît » une faute, pas une appartenance politique. Être à droite serait donc une faute politique ou citoyenne ?

Si son crime de lèse-majesté s’est avéré plutôt stérile en soi, ses conséquences sont elles extrêmement instructives cependant.

Les leçons de la gifle

On peut en effet tirer deux enseignements majeurs du « Gifle-gate ».

Premièrement, et contrairement à ce que serinent des esprits chagrins, la justice sait encore être rapide, efficace et ferme en France. On regrettera seulement que ces vertus ne s’appliquent qu’à l’autorité suprême de la démocratie et à ses affidés, et non pas à celui qui est le « démos » de la démocratie : le peuple lui-même.

Les Français qui divorcent passent 7 a 26 mois à régler leur séparation en justice ; des criminels sous l’emprise de stupéfiants sont relaxés ou échappent à l’emprisonnement car la jurisprudence invoque l’irresponsabilité pénale là où elle voyait auparavant des circonstances aggravantes ; les cas se multiplient où les auteurs présumés ne sont pas poursuivis en raison de vices de procédure, de manque de preuves, voire d’absence d’interpellations (on se souvient notamment des attaques de commissariats au cocktail Molotov), renforçant ainsi le « sentiment d’insécurité » de Francais pour lesquels jamais un sentiment n’a été aussi palpable.

Deuxième enseignement majeur : Emmanuel Macron, qui connaît bien les mots, ne les utilise toujours pas pour décrire le réel, mais pour façonner une vision du monde pétrie d’une idéologie foutraque et variable au gré des circonstances.

Ainsi, notre président a subitement montré les crocs face à la violence, lorsque celle-ci s’est manifestée physiquement à lui. Il a ainsi qualifié M. Tarel « d’individu ultraviolent« .

Les 75% de Français qui jugent « négatifs » le bilan de Macron en matière d’insécurité (Le JDD du 20/08/22) et les 500 victimes quotidiennes de vols avec violence apprécieront sans aucun doute cette fermeté. Souhaitons qu’elle s’applique un jour avec équité !

Faux militants écologistes, vrais vandales : le nihilisme en action

Loin de faire consensus dans l’opinion publique, le buzz recherché par certains militants et mouvements auto-proclamés « écologistes » est une insulte à la logique, à l’art, voire à la vie en société.

Tweet du compte « Letzte Generation » relayant la dégradation d’un tableau de Monet.

Demi-finale hommes interrompue à Roland-Garros, tableaux célèbres maculés de nourriture, véhicules dégradés, blocages de lieux publics ou d’autoroutes, opéra interrompu… Tout le monde a entendu parler de ces actions coup-de-poing survenues en 2022, actions dont la pertinence et l’impact sont inversement proportionnels à l’écho médiatique qui leur est complaisamment offert. On ne peut pas en vouloir totalement à ces militants, à qui l’on serine que l’éco-anxiété -la trouille du lendemain- est le signe d’un esprit sain. Consacrer une peur en vertu, le témoin d’une société malade ?

Où que ce soit, la rhétorique de ces militants et leurs modes d’action présentent des similitudes révélatrices.

L’eschatologie de la planète…

Ce qui frappe d’abord le citoyen, c’est la prégnance d’une vision apocalyptique du monde érigée en dogme inébranlable et indiscutable. Un rapport du GIEC donne 3 ans pour ralentir le réchauffement climatique et effectuer la transition énergétique souhaitable ? Et voici Alizée, 22 ans, persuadée que nous allons tous mourir dans 1 028 jours, qui interrompt la demi-finale hommes de Roland-Garros.

Les militants allemands qui ont tenté de vandaliser un tableau de Monet évoquent eux des énergies fossiles qui « nous tuent tous« . Soit ils y croient littéralement, mais paraissent curieusement bien vivants au moment de commettre leur acte étrange ; soit ils ont une pensée plus nuancée et affichent un discours irresponsable, car angoissant et culpabilisant.

L’absence de futur et la fin du monde constituent, à les entendre, le seul horizon de ces militants, qui appartiennent à des mouvements au nom souvent éloquent : « Dernière Génération », « Extinction Rébellion », « Dernière Rénovation », etc. S’il n’est pas question de nier le réchauffement climatique, ils déforment cette idée en vision délirante dans laquelle ils s’assurent le rôle du héros clairvoyant qui lutte pour sauver toute l’espèce d’une mort certaine. Une façon comme une autre de trouver un sens à sa vie, bien que celle-ci soit nuisible à la société.

… pour masquer l’indigence

Nuisible, oui ; car ces actions, qui sont à la portée du premier gogo un peu crédule, frappent par leur indigence. Qui peut croire en effet que cela permet de lutter efficacement contre la dégradation de l’environnement ? Comment tant de jeunesse, force vive s’il en est, peut-elle se perdre dans ce type de manifestations ?

Ils pourraient étudier pour rejoindre des équipes de chercheurs occupés à dépolluer les océans, à nettoyer la terre, à produire des matériaux biodégradables ; ils pourraient s’organiser pour ramasser des déchets comme le font régulièrement des milliers de bénévoles ; il y a tant de choses à accomplir, c’est vrai ! Cela leur permettrait d’agir réellement et de convertir ainsi leur préoccupation -assez partagée au sein de la population finalement- en projets utiles.

Mais ceux qui bloquent les autoroutes ou saccagent des véhicules privés allient l’indigence de l’acte à celle de leur rhétorique. La Joconde entartée ? L’entarteur demande : « Tous les artistes, pensez à la Terre. C’est pour ça que j’ai fait ça. » Relisez bien : il n’y a AUCUN rapport de causalité, mais une injonction visant à faire plier les artistes, sommés de dépeindre uniquement la mort de la planète et de l’espèce humaine (dans quel type de régime met-on le monde culturel au pas, déjà ?). À Londres, les militants qui ont lancé de la soupe de tomates sur le tableau « Les Tournesols » de Van Gogh ont justifié leur acte en expliquant que « la vie quotidienne est devenue inabordable pour des millions de familles qui ont froid et faim – elles n’ont même pas les moyens de s’acheter une boîte de soupe« . Gâcher de la nourriture pour en dénoncer le manque, n’est-ce pas là le degré zéro du raisonnement ?

Mauvais exemples

En fin de compte, ces actions de « désobéissance civile » -sémantique flatteuse qui permet de se rêver en éternel rebelle- sont contre-productives pour plusieurs raisons. D’abord, nous avons affaire à des personnes qui exigent des modifications de comportement de tous, mais ne pratiquent pas ce qu’elles prêchent. Ils parlent décroissance et sobriété, mais utilisent des smartphones bourrés de minerais rares pour relayer leurs actions et des matériaux polluants : bombes de peinture, colorants, etc. On repense aussi aux innombrables déchets abandonnés sur place après chaque manifestation, nécessitant l’intervention d’équipes techniques qui utilisent… des produits chimiques et des poids lourds. Finalement, le remède semble parfois pire que le mal.

De plus, les actions de ce type n’ont que peu de chances d’emporter l’adhésion de l’opinion publique (au-delà du microcosme de post-adolescents partageant les mêmes névroses et qui ont en commun de ne pas envisager de travailler plus dur pour mieux servir leur cause). Et ce, pour une raison simple : c’est au public qu’elles s’en prennent. Comment voulez-vous être écoutés si vous abîmez les oeuvres d’art aimées par le public, si vous tentez d’intimider, si vous retardez pendant des heures des milliers de personnes, si vous vous en prenez à leurs biens et à leur argent ? Vous obtiendrez au mieux le silence en imposant la terreur ; mais vous n’aurez jamais l’assentiment ou le respect.

Un autre élément qui aurait dû alarmer ces jeunes militants du chaos est le soutien que leur a apporté Sandrine Rousseau. Dans un tweet du 15 octobre, la commissaire politique du barbecue et de la chambre à coucher a écrit à propos du jet de soupe sur un Monet que « l’action de ces jeunes avec de la soupe est hyper intéressante parce que très dérangeante. La colère monte chez les jeunes contre l’inaction climatique. Et ils ont raison d’être en colère. Vraiment. »

Tout le monde devrait pourtant le savoir : lorsque Sandrine Rousseau soutient ce que vous dites et faites, c’est que vous vous êtes égarés. « Vraiment » !

Accusation d’appropriation culturelle : c’est tiré par les cheveux !

Des musiciens de reggae ont vu leur concert annulé. En cause : des spectateurs se sont trouvés « mal à l’aise » en les voyant s’approprier la « culture rasta ». En somme, le racisme gagne du terrain ; et cela ne choque toujours pas grand-monde.

Clip de la chanson « S’problem » de Lauwarm.

L’histoire semble incroyable ; pourtant, elle est vraie. Résumons : le groupe de reggae suisse Lauwarm devait se produire dans une brasserie de Berne le 18 juillet dernier. Or, quelques minutes après le début du concert, plusieurs spectateurs ont fait part de leur « malaise face à la situation » (sic), comme le raconte la version suisse du journal 20 minutes. L’origine de ce « malaise » ressenti par certains spectateurs visiblement fragiles ? Un délit d’appropriation culturelle. Offensés par des blancs portant des dreadlocks et jouant une musique d’origine jamaïcaine, ces hypocondriaques de la pureté ethnique dans la culture ont obtenu l’annulation du concert par les organisateurs. Ces derniers, sans doute apeurés par les tribunaux 3.0, ont même poussé l’obséquiosité en s’excusant « auprès de toutes les personnes chez qui le concert a provoqué de mauvais sentiments » (re-sic). Le chanteur du groupe s’est fendu d’un communiqué plutôt vaseux, tentant d’établir une distinction entre « inspiration » et « appropriation », et se défendant d’emprunter des thèmes « à la culture jamaïcaine ou à Jah Rastafari« . Il entérine ainsi la vision selon laquelle certaines personnes décident quel tel ou tel production culturelle serait leur pré carré, ôtant à la culture elle-même toute sa part d’universalité. Un monde formidable !

Tout le monde fait de l’appropriation culturelle !

Revenons aux spectateurs outragés, dont certains sont peut-être encore hospitalisés suite à une violente apoplexie due à la coiffure des musiciens. Les dreadlocks des musiciens ont été mentionnés comme un élément d’appropriation culturelle, puisque cette coiffure est supposée être l’apanage des Jamaïcains rastafaris. Comme nous l’apprend Wikipédia, les plus anciennes traces écrites mentionnant les dreadlocks nous sont fournies par… des écritures saintes du védisme, une ancienne religion de L’inde antique. Ce qui donne environ 2 000 ans d’avance à l’Inde dans la revendication de la paternité des dreadlocks ! Poursuivons le raisonnement : le metal est une musique inventée par des Occidentaux blancs. Or, plusieurs musiciens de metal sont noirs, à l’image du chanteur du groupe brésilien Sepultura, Derrick Green. Alors, fait-il de l’appropriation culturelle ? Faut-il priver M. Green de son gagne-pain en raison de sa couleur de peau ? Le rock est-il réservé aux blancs, et le reggae aux noirs ?

On mesure sans peine l’absurdité et l’horreur de telles propositions : chacun pourrait accuser son prochain d’appropriation culturelle, particulièrement dans un monde de culture mondialisée où Internet peut faire voyager l’art instantanément. Cette dys-réalité (une réalité non désirable) rappelle en tous points Le procès de Kafka, dans lequel un homme est jugé sans savoir de quoi il est accusé : petit à petit, Joseph K. (l’accusé) joue le jeu de ses accusateurs en cherchant à se défendre. Exactement comme les organisateurs du concert et les musiciens du groupe.

Mais pourquoi cette fausse accusation fonctionne-t-elle si bien ? Vous le savez déjà…

L’Occident, coupable de tout (et surtout de n’importe quoi)

Plutôt que de voir que des blancs jouant du reggae était une preuve du rayonnement de cette musique jamaïcaine (« s’inspirer d’un maître est une action non seulement permise, mais louable« , écrivait Alfred de Musset), certains les ont vilipendés pour leur musique et leur coiffure. Cela fonctionne toujours dans le même sens : l’appropriation culturelle est un délire authentiquement raciste qui ne vise que des blancs. Les accusations sont imaginaires et délirantes, vous interdisant pêle-mêle certains déguisements, certains vêtements, certains maquillages, certaines coiffures, etc. Le point commun des accusés : ils sont tous Occidentaux.

Cela n’arrive jamais dans le sens inverse : personne n’accuse un asiatique de porter un costume-cravate, personne ne vitupère contre une femme noire se faisant lisser les cheveux. L’appropriation culturelle n’est qu’un des nombreux outils de racistes ayant pignon sur rue, qui ne jugent autrui que sur la base de la couleur de la peau. Au lieu de souligner cet état de fait, les accusés s’excusent (presque) tous platement, ramollis qu’ils sont par la propagande progressiste et indigéniste selon laquelle tous les hommes sont égaux, mais certains plus que d’autres (Coluche).

L’histoire est simple : un groupe s’est vu interdire de jouer de la musique à cause de la couleur de la peau de ses musiciens. Et les organisateurs du concert tiendront le plus sérieusement du monde une table ronde le 18 août prochain sur le thème de l’appropriation culturelle.

Il y a quelques années, trois chercheurs ont récolté des éloges de plusieurs universitaires grâce à un essai prétendant d’après ses auteurs « examiner de manière critique la blanchité depuis la blanchité« . Il s’agissait d’un canular : pour montrer les dérives woke, les auteurs avaient simplement réutilisé des extraits de l’antisémite pamphlet Mein Kampf d’Adolf Hitler, en remplaçant le mot « Juifs » par « Blancs ». Nous n’avons rien appris depuis : la haine raciste est devenue dans certains cas le summum de la modernité.